vendredi 19 janvier 2007

Paint it Black !

Au sujet d'Etude ; Torse, Effet de Soleil (1876), le critique d'art Albert Wolff, révulsé, écrivait à l'époque : « essayez donc d'expliquer à ce Renoir que le torse d'une femme n'est pas un amas de chairs en décomposition avec des tâches vertes, violacées, qui dénotent l'état de complète putréfaction chez un cadavre ». Quant à Alfred de Nieuwerkerke, voici le regard qu'il portait sur les impressionnistes : « ils font une peinture de démocrates. Ces hommes qui ne changent jamais de linge voudraient s'imposer aux gens du monde ? Cet art me déplaît et me dégoûte ». Certes, on pourrait appeler les impressionnistes « peintres de la lumière » et, par opposition, qualifier les musiciens de black metal de « musiciens de la nuit ». Reste que le parallèle est amusant et qu'encore une fois, un petit groupe de francs-tireurs au sein d'un domaine artistique peut décider de faire tabula rasa des conventions, des académismes et de la bienséance au nom de la liberté artistique - et donc d'expression.

Si les impressionnistes, avant-garde bariolée, soldatesque picturale soudée peut-être plus encore par le goût de la piquette montmartroise que par le pinceau, mirent des années avant de pénétrer ce bastion du classicisme qu'était le Salon de Paris, que dire alors de ces gamins qui, à l'orée des années quatre-vingt-dix, régénérèrent en le poussant dans ses paroxysmes un art si abrupt qu'il fut d'autant plus facile de l'escamoter dans la colonne des faits divers ? Cependant qu'Utrillo multipliait les séjours en maison d'arrêts, ses toiles, par lesquelles il payait en nature ses monumentales cuites, prenaient de la valeur dans les troquets sordides de la capitale. Lorsque le dernier membre incarcéré du line-up de In The Nightside Eclipse recouvra sa liberté, Emperor était devenu une légende de son vivant, n'attendant que la mort pour être mythifié !

Ce qu'écrivait Albert Wolff à propos de Renoir me rappelle finalement les vieilles chroniques d'albums devenus référentiels depuis. Tandis qu'Hard Force et consort (ou qu'on sort pas, d'ailleurs) parlaient de « dégénérés du bulbe » (sic) au sujet d'Emperor ou nous expliquaient que les deux frères d'Immortal (re-sic) étaient musicalement « à la rue », ces derniers façonnaient le nouveau visage du metal extrême au point qu'on en retrouve aujourd'hui les échos dans n'importe quel sous-groupe de metalcore US (un paradoxe en soi !). Renoir, de peintre bohème, devint un notable respecté auquel on s'adressait en n'omettant jamais de commencer par « Maître ». Si Ihsahn, fait citoyen d'honneur de sa ville natale de Notodden, ne demande pas tant d'honneur aux jeunes musiciens à qui il ouvre son studio et donne des cours de musique, ce sont en revanche ceux qui le brûlaient hier qui lui donnent aujourd'hui du « Maître ». Moralité : les gens évoluent, et les dégoûts d'une époque deviennent parfois les goûts de la suivante (sauf dans le cas d'Evol bien sûr...) !

nota bene : cette notule m'a été inspirée par la lecture de l'excellente biographie de Suzanne Valadon par Michel Peyramaure, qui m'a parfois rappelé, oserais-je le dire... The Dirt, la bio de Mötley Croüte ! Les Escaliers de Montmartre ; Le Temps des Ivresses sont à lire chez Pocket.

There’s not only metal in life – there’s also Impressionism, a pictural movement which I am fond of. And I’ve always made a parallel between it and black metal. Impressionism, a loose association of painters some of whom were unbelievable hard-partyin’, hard-druggin’, hard-livin’ motherfuckers, were also radicals, franc-tireurs whose art was breaking every existing rule (and in  some cases, the law). A real motley of a crew ! Garnering at first only hostility and miscomprehension, Impressionism finally became a respected, valid form of artistic expression – see what I mean ? I suggest you read a bio of painter Suzanne Valadon. Fuck, there’s as much sex, alcohol and, well, art in there as in The Dirt. Duh !

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