mardi 29 décembre 2015

Lemmy Kilmister 1945 - 2015 : born to lose, live to win

J'aime éviter le pathos et espère ne pas sombrer dans cet écueil mais le décès de Lemmy - inutile de revenir sur le personnage et ses soixante-dix années atteintes on ne sait trop comment - m'a touché. La  disparition d'un personnage inconnu personnellement, seulement vu de loin en concert dans un Zénith, mais qui fait partie de ma vie depuis si longtemps. Forcément il emporte quelque chose de moi-même. Gamin, à 12 ans, 1916 fut avec Let There Be Rock et Hysteria le premier album que j'empruntais à la bibliothèque municipale pour le copier sur support cassette.

J'ai toujours cette vieille BASF sur laquelle figure l'album d'AC/DC en face A, celui de Motörhead en face B. Ce 1916 que je tiens pour l'un des chefs-d'œuvre des Anglais. Nul en sport, bon à l'école sans me fouler et toujours fourré dans un bouquin, j'ai passé comme beaucoup quelques vrais mauvais moments sur les bancs du collège. Le hard rock - comme on disait - est une musique de marginal, et le metal extrême, a fortiori le black metal, est celle des vilains petits canards : on y vient car on a été poussé vers la frange qu'on s'est trouvé - je me comprends. Mais suffit de la digression. Mon intérêt pour le « hard rock » se répandit vite dans la classe et me rendit « cool »... l'espace de quelques mois. 1916 fut ainsi prêté, écouté, repiqué plus qu'à son tour. Un petit camarade se procura une image de tête de mort, sur le blanc du front de laquelle nous écrivîmes en lettres attachées : « AC/DC : Let There Be Rock / Motörhead : 1916 ». Pas assez réceptif à l'album des Australiens, je regrettais vite mon erreur d’ordonnancement et passais mon temps à accélérer la face A pour arriver plus vite à 1916. Mon père mit à contribution la photocopieuse de son bureau et nous réinventions, sans le savoir, cette charte graphique si chère aux démos black / death metal de l'époque : la sempiternelle photocop' monochrome lo-fi de chez lo-fi (plus tard, mon côté rain man me poussera à abattre un travail de titan en recréant, « chartant », standardisant toutes mes vieilles jaquettes via WordArt). Nous n'avions pas encore de lecteur CD à la maison... Lorsque cet appareil révolutionnaire intégra enfin le foyer familial, je possédais déjà mon premier « compact-disc » : A Real Dead One d'Iron Maiden, acheté plus tôt en prévision de cette acquisition que je savais voulue par mon père (mais ce fut Rust In Piece, sorti de la même bibliothèque, qui étrenna l'appareil). Concernant 1916, j'appréciais tout l'album et notamment l'étrange piste Nightmare / The Dreamtime. Quelques nappes de synthé à la sourde mélancolie et une ambiance aussi éthérée que menaçante au milieu du chaos habituel. Dans un genre très différent et toutes proportions gardées, c'est bien certains de ces éléments qui me firent succomber plus tard au black metal symphonique...

Quelques mois après la découverte de 1916, un oncle lyonnais d'un âge assez avancé me fit un magnifique cadeau qui trône actuellement sur ma bibliothèque : le vinyl original de Bomber, ayant appartenu à son fils cadre quarantenaire. Dire que je n'imaginais pas que ce vieil appartement modeste abrite en son sein un tel artéfact est un euphémisme et ma surprise n'eût d'égale que ma joie (je récupérais aussi Born Again de Sabbath, sur lequel Gillan vocifère magistralement Neon Knights et Digital Bitch entre autres perles). Il faut relire White Line Fever (l'expression d'une sagesse rabelaisienne et désabusée qui émergea de cette vie de dingue), écouter aussi Head Cat qui complète tellement Motörhead. Lemmy est un personnage important dans ma mythologie personnelle : j'ai bu quelques whiskies à sa mémoire, en matant des vidéos sur YouTube, et en regrettant le temps qui passe.

So sad to have learned about Lemmy's "untimely" (?) passing. The man was a wise, adventure-ridden old rock n' roller and lived true to his famous motto "Born to lose, live to win". My first encounter with the gentleman and his motley crew was through 1916, a great release and personnal masterpiece. Eversince that day, Lemmy was a prominent figure in my personnal pantheon, and I do not have powerful enough words to pay him the tribute he deserves. You don't know me man, but I love you. May the earth rest lightly upon you. So sad. So sad.

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dimanche 27 décembre 2015

Un bon livre, qui soul un peu

The Book Of Souls... dès le titre, un sacré programme. Il faut pour ce premier double-album : tenir la distance quand on se nomme ainsi ; et il faut pour le fan plus forcément vache-à-lait : faire fi d'une grandiloquence titulaire qui garantit toujours le pire comme le meilleur chez les anglais. La mission est accomplie compte-tenu de ce qu'on attend aujourd'hui. C'est le principe de réalité, cette aptitude à ne pas attendre la satisfaction pulsionnelle mais à composer avec une réalité objective. On est en 2015, Iron Maiden ne joue plus au Ruskin Arms depuis longtemps, les gamins pensent que Bring Me The Horizon est un groupe de metal et les clochards de Soulfly ont sorti plus d'albums que Sepultura.

Il faut oublier cet habituel premier single rapide et peu inspiré (Speed Of Light est une horreur) : l'album s'ouvre sur If Eternity Should Fail, bijou de fer ouvragé à la respiration ample et puissante... La chanson exhale un souffle épique qui porte le reste du disque : ce début est aussi son sommet. Le reste est un terrain conquis, avec ces touches folk présentes depuis plus d'une quinzaine d'années qui font partie de l'ADN de Maiden au même titre que les twin guitars attack d'antan. L'excellence des dérapages rock n' roll de l'album est à signaler, entre Thin Lizzy et Gary Moore dont les ombres planent sérieusement sur When The River Runs Red... Dans une drôle de symétrie, on n'échappe pas, en revanche, aux longueurs qui caviardent l'écriture depuis Brave New World, surtout lorsque remplies de rien (The Red And The Black se traîne insensément, arrosé de chœurs faisandés que mon petit corps de fan ne digère plus. Sorel n'aurait jamais baisé la mère De Rênal s'il avait été si lourd). La seconde partie de l'album commence bien, en forme d'hommage au Maiden NWOBHM - celui de votre père éventuellement, celui que j'aime passionnément. Entendre l'ambiance Aces High ou Tailgunner dans Death Or Glory... Quant à Shadows Of  The Valley, c'est l'esprit de Somewhere In Time qu'il convoque brièvement... le temps de céder sa place au Maiden actuel trop avisé de sa recette pour en dévier bien plus longtemps.

C'est donc sans surprise, absolument aucune, que Maiden propose un plat « grand scope et mid-tempo » dans l'exacte continuité de ce qu'ils font depuis l’avènement de leur quatrième période (2000). Une ère miraculeuse, pas tant en termes de qualité - bien qu'A Matter Of Life And Death soit un grand album - mais bien de succès commercial insolent faisant mentir toute règle établie : Maiden aligne les premières places de tous les billboards, et réussit l'extraordinaire tour de force de se survivre sans se réinventer et de rameuter de nouvelles légions fanatisées comme je l'étais moi-même... Le principe d'immuabilité qui régit Steve Harris est le secret (pas bien gardé) de Maiden... Quand c'est pas cassé, faut pas réparer.

Well, well, well... Here's the new Maiden coming our way. The Book Of Souls is, as usual, a gargantuan release packed in a very nice special two-cd set (I urge you to get hold of the special edition). As always, there's the good (If Eternity Should Fail), the bad (The Red And The Black) and the ugly (Empire Of The Clouds - a bloated song emphasising everything I don't like anymore in Maiden). But hey ! Raise the hammers and fly high the iron banner nonetheless, 'cause Maiden will always be Maiden and still manages to be versatile despite its english immutability. There's high grounds and low ends to be found in this epic big fuckin' Book Of Souls, meaning fans will get the dose of (good) metal they need. Yep. Being a fan, how cool is that ? I ask you...

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Considérations théologiques

samedi 12 septembre 2015

Dans ton Zoon Zoon Zoon

Zoon est à Fields Of The Nephilim ce que ses vacances sont à M. Hulot. Une histoire a priori accessoire et pourtant essentielle, comme une récréation d'a(u/r)tiste où chaque détail n'en est plus un, à force de converger vers un Tout. Nefilim, hors-champs, coule dans ces microsillons labourés sous d'autres astres que les siens habituels un metal arcanique et ouvragé ; une boite à secret dont seul quelque cow-boy sorcier possède la clé. Un arbre de Sephiroth occulte mais évitant l'hermétisme une fois repérées ses bouches de métropolitain. On y rentre et on s'y perd, sur cet arbre de vie ; au gré de ses niveaux et de ses cercles dantesques. Ici sur des branches supérieures plus aériennes à la fragrance connue (Shine), là pris au piège de racines plongeant dans un humus séculaire et sinistre d'où vient, aussi, Fields Of The Nephilim (Venus Decomposing).

On échappe, avec une reconnaissance soulagée, à l'auteurisme prétentieux qui reste l'écueil redouté pour ce type de niches musicales (Christian Death échouera plusieurs fois à se saisir d'un Graal métallique trop opportuniste pour embarquer avec lui ses légions intransigeantes arborant Rozz au fusil). Si le metal n'est pas un bac à sable dans lequel on peut se vautrer l'espace d'un album facile en espérant le chef-d'oeuvre, Zoon sauve plus que l'honneur et reste une cabale passagère, mais fomentée avec talent par Carl McCoy. Doublé d'un secret bien mieux gardé que Julie Gayet.

Zoon is Carl McCoy's succesful attempt at creating a genuine metal album whilst remaining true to what Fields Of The Nephilim is all about. I won't bother to dwell much deeper into that discreet, unbeknownst-to-most record ; if you like to indulge in such sonic landscapes do yourself a favor and buy it, 'cause Zoon shoot straight and speak the truth.

lundi 16 février 2015

Mestre des Bestes, Roy des Leus Hullants

C'est un peu un exercice de style pour moi que cette notule, car ce jet d'encre numérique se fait en direct de mon smartphone (certifié fabriqué par des travailleurs pas nés lors de la sortie du premier Watain), ma commune étant frappée d'un embargo franco-français type « agent Orange » sur Internet depuis trois putains de semaines. Avanti !

Il me serait difficile ici de pérorer trois ans sur le génie d'Emperor, sur pourquoi In The Nightside Eclipse et Anthems To The Welkin At Dusk sont toujours l'indétrônable expression d'un black metal sophistiqué (voir verso des anthèmes crépusculaires), car c'est après tout (hey) stupide et vain de vouloir assommer quelqu'un avec une œuvre qu'il ne connaîtrait pas / mal ; aurait découvert à un autre moment / autrement que soi-même. En d'autres termes ces albums - purs manifestes d'art total, ce que d'aucuns appelleraient aussi un « gros fuck » - me sont chers pour de multiples raisons n'ayant pas trait qu'au génie de composition, ni qu'à l'avant-gardisme de leur bestialité intellectualisée, ni qu'à l'intransigeance autistico-artistique d'Ihsahn qui aura su, par icelle, se préserver des éclaboussures des événements. Non, ces disques (plaisir que d'utiliser ce mot) me sont précieux parce qu'ils sont tombés dans ma vie au bon moment, trouvant en moi un réceptacle à cette musique classique d'un nouveau millénaire ou plutôt d'un inframonde insoupçonné. Towards The Pantheon, With Strenght I Burn, Thus Spake The Nightspirit, Inno A Satana, Ye Entrancemperium, Ensorcelled By Khaos... seront émulés pour toujours car la bannière sinistre et puissante que ces pièces convoquent rallie, générations après générations, de nouveaux sujets avides de bruit et de fureur, de sturm et de drang (aspect qui ne pouvait qu'être saisi, et rejaillir puissamment, dans la scène française via Forbidden Site et consorts).

Dyonisos est largué, Apollon azimuté, c'est le mestre des bestes qui mène la charge, sans compassion, sans mercy. Coulé dans son élégant chaos, le black metal sophistiqué qu'Emperor extirpait d'une poigne grêle et adolescente des tréfonds de sa Norvège rurale échappe aux principes admis de l'esthétique ; il demeure une étonnante assertion sonore où le lyrisme le dispute au féroce.


In The Nightside Eclipse and its follow-up Anthems To The Welkin At Dusk (not counting the Reverence EP, which is also a great release adorned with a grandiose version of Emperor's then-biggest "hit") are so dear to my heart. This body of work is not only a relentless manifesto of sophisticated black metal art, it is, to put it simply, the grimmest primal scream ever uttured from Norway's modern youthness as well as a valid art form derided and despised by many, adored by few. Long gone are the turmoils of the past, burning churches and thoughtless murders, as if black metal's decaying corpse begins, at long last, to let its iridescent soul to be seen.


...et toujours :