vendredi 27 mars 2009

Misère & cordes

Un jour morose de ma première année lycéenne, un vieil ami, D., a changé ma vie sans le savoir. Il ne m'a pas indiqué la sinistre planque du magot des Postiches (Michel l'avait déjà trouvé), ni ne m'a proposé un plan avec la milf qui lui servait de mère, et qui m'affolait. Il m'a simplement tendu une vieille K7 repiquée, sans boîtier et barrée d'un reste d'autocollant ayant jadis servi à l'identifier. « Tiens, ça te plaira peut-être comme t'aime la musique de corbeaux, je sais pas si tu connais ». Sur la bande, First And Last And Always, le premier Sisters Of Mercy. Dire que je l'ai adoré instantanément serait un euphémisme - j'ai écouté First And Last And Always plusieurs fois par jour pendant des mois, notamment dans ce sacré bus 3*. De peur d'altérer cette magie, j'ai longtemps évité de me documenter : pas de photos, pas de paroles si ce n'est celles que je croyais ou voulais entendre**, encore moins de bio à la con qui aurait dissipé la fumée nicotinique embrumant ce poster longtemps accroché au mur. Au fil des ans j'ai acheté l'intégrale de Sisters, des albums que j'aime mais dont aucun ne m'a redonné ce choc originel (et certainement pas les plus saturés - voir à ce sujet Christian Death, qui sombra en succombant à la tentation du metal). Un coup de foudre est la réunion de différents facteurs dont la convergence se nomme alchimie. Sisters m'a fait cet effet-là et j'ai fini par associer pour toujours First And Last... à une période particulière, parfois ingrate, parfois géniale, celle où « l'on erre, un peu par erreur ». Le genre d'album qui devient la bande-son d'une époque personnelle...

Sisters Of Mercy ne pouvait pas échapper à une entrée ici pour la bonne raison que j'aime ce groupe autant que Metallica ou Maiden... Pour respecter ma ligne éditoriale « industrie lourde », cela se fera sous l'angle des reprises metal, le groupe d'Eldritch ayant été fréquemment massacré par nos chevelus préférés (hormis quelques exceptions, force est de constater qu'il est plus souvent question de viol que d'hommage aux sœurs). On commencera par un de mes chouchous, Dan Swanö (Edge of Sanity), qui s'est frotté à Lucretia My Reflection. Malgré une intro bousillée par ce clavier que le bougre affectionne tant, sa version n'est pas mauvaise, proche de ce qu'un Cemetary époque Sundown aurait pu en faire. C'est donc une reprise acceptable que voici, mais préférez-lui cependant Sacrificed (sur The Spectral Sorrows) : l'un des meilleurs morceaux, dans la veine Doctor Jeep, que Sisters n'a... jamais écrit. Lucretia My Reflection étant fréquemment réinterprétée, passons à Kreator. Parue sur une obscure rétrospective, cette version dudit morceau est carrément intéressante. L'identité du Kreator aventureux d'alors (1999) imprime à Lucretia une patte industrielle du meilleur effet - je reste convaincu qu'un groupe allemand politisé ayant vécu la sinistrose berlinoise était ce qui pouvait arriver de mieux à Sisters Of Mercy. Enfin, ne nous attardons pas sur l'atroce version de Warrel Dane, le chanteur que l'on adore ou que l'on déteste : je déteste. Moins affreux que la reprise de Sound of Silence par Nevermore (« Simon & Garfunkel outragés », se serait écrié de Gaulle), ce Lucretia-là n'est vraiment pas terrible.

Passons sur In Extremo, groupe congénitalement malformé et dont il ne faut, par conséquent, rien attendre de la reprise de This Corrosion : le silence se fait devant ce clip plus gay qu'une soirée chez Michou. Si quelqu'un a eu la patience d'attendre la fin, qu'il me dise si oui ou non, Xena a fini par arriver. Après cette atrocité, il est temps de relever le niveau de manière inattendue puisque c'est au tour de Cradle Of Filth, que je ne goûte guère, de rentrer en piste. Étonnante relecture de No Time to Cry, morceau pour lequel j'ai un gros faible. Les anglais maîtrisent l'exercice, et tantôt j'adore (The Fire Still Burns, Sodomy and Lust), tantôt je hais (Hallowed Be Thy Name - remplacer les leads de Murray / Smith par un synthé devrait être puni de mort lente). Passée au mixer de Morticia Adams, la chanson conserve néanmoins sa substantifique moelle : une réussite. Comment ne pas aborder le cas Crematory ? Ce combo aura eu une importance capitale voici une quinzaine d'années, notamment avec le glauque Transmigration, avant de se perdre dans une trajectoire d'étoile fuyante, à l'instar d'Atrocity (on sauvera Awake et Illusions, pierres angulaires du death atmosphérique d'alors ayant, c'est vrai, très mal vieilli). Crematory honora les sœurs via la reprise archiconnue et pompière de Temple of Love, malheureusement dépourvue de sa pêche originale : l'occasion était belle, Temple... étant l'un des morceaux les plus énergiques de Sisters. Andre Matos, ange déchu du micro d'Angra, parlera à plus de monde que Felix Stass. C'est à More qu'il s'est attaqué avec Shaaman, et l'effort est louable : voici une réappropriation qui évite la trahison. Mais rien à faire, dès que j'entends Dédé, j'ai l'impression d'être à Recife en train de siroter une cachaça. Et ce qui sied parfaitement au heavy ensoleillé pour lequel le bougre est connu va, tout de suite, moins bien aux pâles Sisters.

On conclura cet article par l'une des meilleures reprises de Sisters Of Mercy proposée par un groupe de metal - Walk Away par Paradise Lost, trouvable sur l'EP paru à l'époque de Draconian Times. Le matériau de base, particulièrement solide, était tout indiqué pour nos ex-prochains Metallica (c'était alors ainsi que la presse parlait - mal - de Paradise Lost). A croire que Sisters l'avait écrit en pensant à eux. Ultra fidèle, s'intégrant tellement dans le répertoire des Perdus, Walk Away est ici magnifiée par le jeu sombre et acéré de Aedy et Mackintosh : les sœurs se voient traitées, enfin, avec le respect qui leur est dû. Paradise confirmera par la suite son talent pour l'exercice, voir notamment la brillante relecture de Small Town Boy (même si je lui préfère celle de Depressive Age). Si le metal se jette périodiquement sur Sisters Of Mercy comme la vérole sur le bas-clergé, ce n'est donc pas forcément avec une grande réussite... L'enfer est pavé de bonnes intentions. Je m'autorise une digression : comment ne pas citer, même si non metal, la sublime version de Alice par les étranges Celluloide ? L'electro-pop acidulée, froide mais sensuelle des français est encore ce qui va le mieux à Sisters, leur spleen originel étant trop souvent écrasé sous les power-chords de nos barbares préférés.

* L'Express A ou B m'arrangeait moins, d'autant que son plus court trajet ne permettait guère d'écouter plus qu'un Battle In The North.

** Certains comprendront - j'ai encore aujourd'hui l'impression que quelqu'un crie mon prénom, à un moment, dans Omnio (In The Woods) et je n'ai aucune envie de vérifier mon erreur sur metrolyrics.com.


Things sometimes happen that change the life of a grey teenager. Ok, having an unexpected blowjob performed in the back of the classroom by this skinny brunette you thought was a momma’s girl ranks first among said things.To be given your first Sisters Of Mercy record is also a very special moment – maybe some lucky fuckers got to experience these conjointly ! But enough bullshitting, what I’m trying to say is that First And Last And Always really did change my life : at last, another musical current entered my world, opening doors for Christian Death, Joy Division or the more commercial, yet excellent, Cure – Pornography still ranking as one of my all-time favourite records along with First And Last And Always. And I won’t change my barrel of goth for a barrel of fun (you know the fuckin’ song). So why is Sheol babbling about such non-metal, yet darkmongers, are you thinking ? Well, The Sisters Of Mercy have been regularly raped by hairy, axe-wielding motherfuckers such as Dan Swanö, Kreator, Cradle Of Filth, Atrocity, Paradise Lost, etc etc etc. See and hear for yourself by clicking on the links below, but as Pentagram would say, "be forewarned" : for better, for worst…

Lucretia My Reflection par The Sisters of Mercy, par Dan Swanö, par Kreator et par Warrel Dane (où est la basse ?).
This Corrosion par The Sisters of Mercy et par In Extremo (vais).
No Time To Cry par The Sisters of Mercy et par Cradle of Filth.
Temple of Love par The Sisters of Mercy et par Crematory (clip de Jean Rollin).
More par The Sisters of Mercy et par Shaaman.
Walk Away par The Sisters of Mercy et par Paradise Lost.
Alice par The Sisters of Mercy et par Celluloide (Naphtaline EP en libre téléchargement).

mardi 17 mars 2009

Still not black enough (Samael : Above)

Above, qui eut dû être un projet distinct des Suisses, a fini par être avalé par Samael. L'embryon a simplement été déclassé ou promu, au choix, au rang de nouvel album du quartet. Pas envie de tourner autour du pot : déçu, déçu, déçu. Il faut commencer par dire que Above, pas plus que Solar Soul, n'est le chaînon manquant entre Ceremony of Opposites et Passage comme on le lit imbécilement partout - il n'y a pas de chaînon manquant entre Ceremony of Opposites et Passage si ce n'est l'EP miraculeux Rebellion. Above n'est pas non plus un retour aux sources noires : il faudrait méconnaître l'horrible et malingre physionomie de Worship Him pour l'affirmer. En revanche, c'est bien ce que le groupe a sorti de plus brutal depuis sa création. Impossible néanmoins de parler de retour en arrière : quels musiciens voudraient désapprendre à jouer, à faire désonner leurs riffs ? Aucun - et que le diable soit des atmosphères naïves mais géniales de leurs premiers travaux. Above est un disque uchronique, qui aurait sauté dans notre réalité (« ce qui continue à exister alors même que l'on a cessé d'y croire » dixit P.K. Dick) à la faveur d'un trou noir. Ce pourrait le résultat d'une carrière menée par Samael dans une dimension parallèle, dans laquelle le culte de Bathory serait resté au centre de son œuvre. Passée la demi-surprise (après tout, Samael a-t-il jamais été là où on l'attendait ?), difficile d'être conquis par l'album. L'agressivité semble feinte et Samael ne peut de toute façon pas masquer son profond changement de nature : le groupe autrefois subversif n'est plus assez méchant pour accoucher aujourd'hui ou demain d'un nouveau Ceremony of Opposites.

En cela Samael est victime de son propre paradoxe : difficile pour cette entité à évolution autrefois rapide de tenter de se rappeler l'un de ses précédents états... Above est un album blanc et aseptisé, à l'image de sa pochette, victime notamment d'une production indigente qui affadit considérablement le propos. Que penser de cette insupportable boîte à rythme, problème majeur de l'album ? Proéminente, invasive et inutilement brutale au point qu'elle concurrence The Berzerker sur ses propres terres, elle couvre complètement guitares et voix, ruinant inexorablement l'album (en sus de faire sonner chaque morceau comme le précédent et d'appliquer à l'ensemble un pénible effet de blur). En un mot comme en cent, et malgré ses habituels points forts qui font que Samael demeure un grand groupe, il manque à Above la vile substance du black metal, le vrai, celui auquel l'album se proposait de rendre hommage - remplacer le mid-tempo pestiféré d'un Blood Ritual ou d'un Ceremony par un marteau-piqueur n'était assurément pas la meilleure option, pas plus que ce filtrage de la voix... finissant de l'éteindre. Un mot des paroles illustrant cette dichotomie : loin d'être plus « sombres » qu'à l'accoutumée, comme je l'ai lu quelque part (vous remarquerez qu'on lit finalement pas mal de conneries de façon générale), elles poursuivent cette quête du positivisme intérieur développée par Vorph depuis Passage (il est piquant de comparer le texte de The Black Face avec celui de sa version remise au goût du jour Dark Side).

C'est donc le poison qui fait défaut à ces crocs-là, malgré une bonne fin d'album (In There, Dark Side, le coquin God's Snake, On the Top of It All, malheureusement malmenés par ce mix insensé). D'autant plus dommage que la direction prise par Samael n'est pas faite pour me déplaire, au contraire : pourquoi pas une extraordinaire surprise pour le prochain album, qui devrait continuer à mettre les guitares à l'honneur si l'on en croit l'habituel fonctionnement par triptyque des Suisses ? Credo. En attendant, il est regrettable - et inquiétant - de constater que Samael a désormais besoin de se chercher pour se trouver.

To begin with, Above was conceived as a Samael side-project, like Era One. It should have stayed that way, for Above is truly a failure – or so do I think. Sure, this is Samael’s most relentlessly brutal hour since, well… forever. But man, nearly nothing works in Above : you won’t find here the utter darkness displayed by Ceremony of Opposites, nor the martial coldness featured in Passage – and I’m not even mentioning Worship Him’s Frostian viciousness. Samael were right when speaking about a violent metal album, ‘cause sure it is, but Above feels half-baked, from the beginning to the end (and I won’t even speak of its horrible mix – what the fuck is happening with that invasive, bad-sounding, way-too-loud drum machine ?). Let’s be fair however : you’ll find some decent songs in Above, I’m mainly thinking about the tail end of the record... Not enough by Samael’s standards, though ! What a shame it is for me to write down these lines, ‘cause believe me, I’m a huge, really fuckin’ huge Samael fan. So let’s hope for a better future – their past is absolutely gigantic, titanic, orgasmic. In the meantime, I order you to crawl to your nearest dealer and buy Ceremony of Opposites : now this is black fucking metal - in all its unholy wicked glory.


Above (Nuclear Blast, 2009)


01 Under One Flag
02 Virtual War
03 Polygames
04 Earth Country
05 Illumination
06 Black Hole
07 In There
08 Dark Side
09 God's Snake
10 On the Top of It All
11 Black Hole - Verso Mix (digipack, une horreur qui est à Black Hole ce que Chaos BC était à Chaos AD)

Le site et le Myspace de Samael.

...et toujours :

lundi 2 mars 2009

Twisted Metal Black

Vu sur Diabolical Conquest, au beau milieu d'une interview accordée par Shatraug de Horna (montage graphique de votre serviteur) :

« I'm (...) totally into Nintendo. I don't accept any other game platforms and I simply still play my old machines. The games had always been good for imagination and me and my brother really learned English just by playing. Of course, I need to take the stand that we never liked any shooting games, and there were no Counter Strike or World of Warcraft back then. I have never caught the interest in those types of games, it's just a waste of time being online playing with people. For me it was always something private to enjoy my time with (...). I think the games inspired me musically as well. There are several Horna songs that feature influences from old Nintendo games even though it might be really hard for anyone else to hear it ».

Moi aussi, j'ai toujours pensé que Wario était l'antéchrist. Et je partage l'opinion de Shatraug sur les jeux en ligne qui m'emmerdent profondément : pour moi un bon soft c'est tout seul devant sa machine - un bon Metroid, c'est froid et solitaire. Comme un des cadavres abandonnés sur l'Everest. Comme un bon disque de black metal. J'aurais du mal à apprécier les charmes d'un Silent Hill avec trois péruviens jactant dans mon casque : ce serait comme écouter un ...Nightside Eclipse à Paris-Plage. D'ailleurs, si vous voyez un mec écouter ...Nightside Eclipse à Paris-Plage, dénoncez-le (c'est simple comme un coup de fil !).

Man, what more can I ad to Shatraug’s words of wisdom, courage & power (did you get that one ?) ? Classic, oldskull shit is always the best, especially when talkin’ about : 1. black metal ; 2. video games ; 3. porn. ‘Nuff said.