samedi 26 avril 2014

Contes morbides

Le black metal jugé par les vivants

L'Histoire (avec un grand H comme dans Hellhammer) se fait parfois plus black metal que le black metal et les amateurs d'anecdotes frappantes - les petites histoires faisant la grande - connaissent sûrement celle du Concile cadavérique. Pour des raisons fort éloignées de nos actuels grands problèmes politiques et sociaux, le pauvre pape Formose, déjà mort, sec comme Duff McKagan et rigide comme le cou de Tom Araya, fut exhumé pour répondre d'un crime de trahison. Les accusateurs (la noblesse italienne de la fin du neuvième siècle) lui attribuent un avocat charger de répondre à sa place (sans blague), et après avoir revêtu le cadavre putréfié d'atours pontificaux (« ça lui collait à la peau », oserai-je), décident de lui couper les doigts bénissants et de le jeter dans le Tibre plus habitué à charrier des courtisanes syphilitiques que des papes déterrés. Avant la baignade, ses habits nouvellement passés lui furent arrachés (des bouts de pape venaient avec)... et plouf, s'en fut fini du pauvre Formol - oups, Formose, qui disparut avec son cilice, sa dernière possession qu'on ne put lui ôter car trop enchâssée dans le cadavre. Dire qu'il avait toujours cru qu'il y avait quelque chose après la mort... c'était donc vrai !

Cet événement également connu sous le nom d'Horrible synode est l'un des plus lugubres qu'il me soit donné de connaître dès lors que l'on parle des histoires de l'Histoire, et à coup sûr il a dû être relaté à de nombreuses reprises sur diverses sorties black metal. Marduk, cependant et à mon sens, serait peut-être le meilleur candidat - Monsieur Håkansson étant un féru d'Histoire à prendre au sérieux - pour la raconter à nouveau (surtout depuis que le groupe, grâce à Monsieur Mortuus, s'est paré des atours les plus sinistres qu'il ait jamais connu).

Did you know about the Cadaver synod ? What a strange, utterly bleak story lurking in the darkest corners of History. I won't relate it in details here as a minimal search on the internet will tell everything you should know about this dismal case of a cadaver pope standing a post mortem trial. But come on... can things get more black metal than this ?

samedi 19 avril 2014

Nox nomenclatura

Triton satanique à ventre rouge fan de Morbid Angel découvrant qu'il ne vivra pas assez longtemps pour entendre l'album Z de son groupe fétiche

Je n’ai jamais vu le death metal autrement que comme une démonstration de force brute, mais qui ne doit pas être dépourvue de sens. Un manifeste de puissance (ou volonté de, pour faire écho au philosophe cité à tort et à travers par ceux qui n’ont pas lu icelui). Et si je n’ai jamais été fan de « street death metal » comme je l’appelle, celui qui ne sait parler que de zombies ou de démons, c’est bien à cause de la conception précise que j’en ai. Un cahier des charges, auquel un groupe doit répondre pour remporter l’appel d’offre.

Une dimension spirituelle ouvrant sur des tréfonds (obscurs ou lumineux, là n’est pas la question. Chacun voit minuit à sa porte) que d’autres n’explorent pas, tout occupés à raconter la même invasion de morts-vivants sur dix morceaux trop proches. Pas de méprise – je n’ai rien contre Cannibal Corpse, génial à sa façon et qui symbolise de belle manière ce death sans prise de tête (souvent virtuose instrumentalement). Mais j’attends autre chose du style : une connexion, une résonance – si les guitares de Morbid Angel sont accordées si bas, ce n’est pas seulement par extrémisme musical : c’est bien parce qu’elles s’adressent aux fondations. Morbid Angel n’est pas qu’un groupe qui a mangé du cureton sur ses quatre ou six premiers albums, c’est avant tout la traduction musicale d’un self improvement bien particulier – celui de son guitariste-compositeur et de ses bassistes-chanteurs (Steve Tucker - ne jamais oublier que ce mec, avec Erik Rutan, a sauvé Morbid Angel alors que tout était réuni pour l'enterrement en première classe). J’ai racheté assez récemment Altars of Madness, et décidément, hormis quelques autres grands noms comme Immolation, Brutality parfois, et quelques seconds couteaux pourtant premières lames (Akercocke… écouter, voir et lire), je n’ai jamais trouvé mieux dans ce genre précis et exigeant qui devient pour le coup, avec Morbid Angel en particulier, très, très proche de ce qu'Emperor a pu faire sur Anthems... 

Outre cette profondeur réfléchissante (si. vraiment), le death metal tel que j’aime l’entendre doit aussi participer de l'agenda esthétique de l’extrême : on ne pratique pas un tel style, avec une telle exigence, pour le simple plaisir de faire du bruit (c’est très exactement ce que ni vous ni moi n’arriverons jamais à faire comprendre au profane méprisant. J’ai arrêté deux choses : essayer de faire comprendre au profane méprisant, et essayer d’écouter la musique du profane méprisant. La vie est si simple). Non, cette cacophonie du bizarre relève forcément d’une autre quête, moins triviale – et là, chacun y mettra ce qu’il voudra, mais je suis convaincu qu’une esthétique du chaos existe ici comme ailleurs (peinture notamment), qu’elle est aussi tordue que séduisante, et qu’elle est spécifiquement recherchée, travaillée, étudiée par les groupes de death que j’ai en tête. Un point de convergence majeur, même pas musical mais que je qualifierai « d’intention », avec le black metal - ce cousin machin si loin, si proche. J’omets volontairement de cette notule toute la scène scandinave la plus évidente, dont j’aime particulièrement certains noms – mais elle ne procède pas de la même évolution, n’est pas née dans les mêmes éprouvettes, et possède dans ses chromosomes un ADN foncièrement infusé de rock n’ roll que l’on ne retrouve pas dans le death me(n)tal ici concerné. Cette fameuse nomenclature - une perspective en profondeur finalement - ne s’y retrouve pas.

What should death metal be all about... Everyone of us might offer a different take on such an issue. Well, mine is just mine, but here it is. I strongly believe that potent death metal should be as agressive as thoughtful, explaining why I never really fell for the mass-produced, gorish generic DM. Favorites of mine include first and foremost Morbid Angel, Immolation, Brutality, as well as newer things such as Gojira when it comes to killer tracks such as Backbone (the circle is complete, as we just came back to Morbid Angel with that one !). To make a long statement short, "my" death metal should provoke empowerment by internal monologue, dealing with the strenght (rage ?) to overcome oneself. You won't get that feeling when listening to stories about how to kill a zombie by shoving a broom up his arse into his brains. But listening to Summoning Redemption, or At One With Nothing, that's the way to start the day. That's the fuckin' way, man.

mercredi 9 avril 2014

Whatever That Hurts

Johan Edlund quittant Tiamat, ou encore Chat alors ! (auteur pas encore retrouvé, sera mentionné)

Assez incroyable annonce que ce communiqué publié ce jour par Johan Edlund. Dans son habituelle tonalité « après moi le déluge », le grand escogriffe désabusé (adepte d'un humour noir et auto-dévalorisant du strict même acabit que feu Pete Steele) annonce un double abandon. Celui de son enfant Tiamat, et celui de ses droits parentaux sur ledit enfant au profit de ses acolytes de longue date (Iwers, Sköld). Une énorme surprise à mon sens, car même si Edlund n'a jamais fait mystère de plutôt « bien vivre mal » de Tiamat, cette entité musicale née des cendres d'un groupe de proto-black metal très proche de Hellhammer ou Sarcófago (excellent Treblinka) lui doit absolument tout. Reste tout de même une probabilité de coup d'éclat promotionnel, voire de lubie passagère de la part d'un Edlund qui se dit fatigué (santé) et que l'on sait doté d'une drôle de personnalité - c'est un génie et il est ainsi fait.

Tiamat et plus particulièrement Wildhoney aura eu un immense impact artistique sur la scène metal des années quatre-vingt dix (et sur moi qui écoutait déjà ce groupe quand Edlund faisait trente kilos, avait des cheveux et portait un drôle de collier en os de poulet), poulain magique issu de cette écurie Century Media produite par Sorychta et dont je parle en filigrane depuis près de dix ans sur ce blog. Il faut réécouter Wildhoney (pochette à contre-courant de son style habituel signée Necrolord), qui prenait au nom de la liberté artistique tous les risques à une époque aventureuse mais toujours dominée par le black metal (encore) jeune et le death metal américain. Ce bijou ambré, à l'unique douce amertume, sera suivi d'un pur disque de studio, exigeant, mais que je lui préfère aujourd'hui ; A Deeper Kind Of Slumber, long voyage psychédélique mais glacé, ouaté, anesthésié. Merci d'écouter sans interruption Mount Marylin et A Deeper Kind Of Slumber... Difficile, très difficile d'imaginer la tronche voire même l'existence entière de certaines niches musicales sans des albums comme Wildhoney (bucolique. Solaire. Nocturne. Provocant. Sensuel), Mandylion (The Gathering), Ceremony Of Opposites (Samael) ou Wolfheart (Moonspell). Cette époque est révolue et ces géants tous encore vivants ne lui ont pourtant pas survécu (hormis Moonspell, drôle de phénix ayant toujours su s'adapter aux incessantes nouvelles règles du jeu). Les successeurs se nomment Aucun et Jamais.

Couldn't believe my eyes when I read Tiamat's Johan Edlund's statement on the band's facebook. Man, the big boy is leaving. Fuck me - he's just leaving ! Edlund seems tired, like he's had enough of everything Tiamat. At least, that's what I understand when reading his bitter and bemused words. Well, whatever. Tiamat will never top Wildhoney and A Deeper Kind Of Slumber. Yet, I hope this is just a bad joke, a late April Fools' Day prank played on us by good old Johan. Come on man, you're the best at what you're doing !

jeudi 3 avril 2014

Tiens, voilà du boudin (noir)

« Ma passion pour le heavy metal des années quatre-vingt, c'est la clef de voûte de Gift Of Gods (...). En tant que guitariste, composer et jouer de la guitare dans ce style, c'est juste énorme. Et si cher à mon cœur ». C'est rien de le lire (extrait du livret de l'EP qui nous intéresse), c'est rien de le dire, le mieux c'est de l'entendre. Mais qu'on le veuille ou non, le premier de nos sens, c'est la vue (demandez à Shiryû), et la première chose qui frappe chez Gift Of Gods, c'est cette magnifique pochette peinte (par un français, sacré nom de Dieu) dans la grande tradition du vrai, du bon heavy metal. Car le heavy metal, c'est comme les chasseurs, mieux vaut tomber sur du bon que du mauvais sous peine de passer un sale moment. Pour mémoire, et instant proustien, cette illustration m'a immédiatement rappelée celle ornant le premier volume du Sorcier Majdar, chouette série Dont Vous Étiez Le Héros. Oh, non pas que la ressemblance soit absolument frappante, c'est plus une question d'ambiance et d'atmosphère...

Receive ne fait pas que se contempler, il s'écoute aussi... Champions des plaisirs coupables dévoilés au fil des dernières et parfois étonnantes sorties de Darkthrone (sans parler d'un DVD nombriliste dans lequel Vieux Culto s'exhibe en pêchant au sens le plus alimentaire du terme), Fenriz et Nocturno Culto donnent régulièrement à voir d'autres facettes que l'ignoble face qu'on leur a longtemps connu - ce black metal monochromatique giclé en basse définition depuis A Blaze In The Northern Sky. Et qui culmina, à mon sens, sur Transilvanian Hunger... En l'occurence, Gift Of Gods est plutôt l'affaire du Vieux Culto, qui fait ronfler ici un véhicule musical sans prétention laissant parler (jaillir !) l'amour du heavy metal, cette musique qui transpire par tous leurs pores au point d'avoir littéralement colonisé l'esprit du dernier Darkthrone. Sans crier au génie, car réinventer la roue n'est pas le genre de la maison, Receive est un bel hommage à ce genre que je n'affectionne vraiment que dans sa forme pure et originelle (comme le boudin noir est l'épitomé de la charcuterie), sans les additifs actuels de merde genre cavalcades power metal dopées aux voix soit-disant extrêmes et enrubanné de pochettes ignoblement photoshoppées (putain de décennie 1995-2005). Ça tombe bien : Gift Of Gods n'a beau être que ça, du heavy metal primal et sincère, mais croyez moi, c'est déjà ça. A acheter en vinyle, et à écouter aux bougies un soir de pleine lune. Ça vous changera de Youporn.

"This project was first planned 6 years ago, but was at first to be very different from how it turned out to be. My interest in heavy metal music from the 80's is the corner stone for Gift Of Gods (...). Writing and playing guitars in the heavy metal style, is for me, as a guitarist just pure awesomeness, it sits so close to my heart. Gift Of Gods is my new cave to explore. Enjoy of not, it won't stop here (...)". (Nocturno Culto, Receive's liner notes).

Receive (Peaceville, 2013)

01 Enlightning Strikes
02 Receive
03 Looking For An Answer
04 Last Solstice