dimanche 20 septembre 2009

Sick & Destroyed

Quand on aime l'art, on aime aussi les artistes - Mustaine en est un, race des maudits, écorchés vifs et autres torturés de l'âme. Malgré une période catastrophique n'ayant pas, heureusement, dépassé deux albums (Risk et The World Needs A Hero, tous deux très faibles pour différentes raisons), je reste un fan hardcore et comme déjà mentionné dans une notule écrite à la sortie de United Abominations, Megadeth pourrait sortir un album de variétoche pourrie, avec pochette miteuse, ballades merdiques et tout le toutim que je l'achèterais quand même... Quoique à la réflexion, cet album existe, il s'appelle Risk, et il pue autant que le costard élimé de Vic Rattlehead. Revenons à notre sujet : peu le savent, mais Dave a été élevé par une horde de loups-garous et génétiquement modifié pour jouer comme personne - the man puts the « heavy » in heavy metal. Un jour, il sera cryogénisé pour revenir nous sauver quand le myspace-deathcore aura envahi la planète.

Dave Mustaine est beau - normal, d'origine française (in)contrôlée, grand (la légende dit qu'il se suspendait par les bras deux heures tous les soirs étant petit, histoire de dépasser un jour James Hetfield - il a réussi) et fort. Comme tout grand homme, Dave nous gratifie de ses pensées qui, à l'instar de celles de Mao, nous aident à vivre. Ainsi sur le mariage : « c'est super le premier mois, mais tout homme normalement constitué veut mourir après deux ans. Le problème d'Al Pitrelli, c'est qu'il venait de se marier quand il nous a rejoints : on aurait du arriver deux ans plus tard et il aurait trompé sa femme avec Megadeth au lieu de faire l'inverse ». On ne connaît pas sa position sur le PACS - revenons à son Art. L'unicité stylistique de Megadeth est quelque chose qui m'a toujours fasciné et intrigué. Thrash ? Pour le premier album, soit, mais dès Peace Sells..., bien réductrice est l'étiquette. Quant à Rust In Peace, n'en seraient ses guitares harmonisées, sa hargne teigneuse aurait presque un goût du hardcore d'alors. La suite est à l'avenant et Megadeth ne fera jamais plus que du Megadeth : la marque et le paradoxe des très grands groupes dits « de thrash » - tous extrêmement différents entre eux et ne suivant, rapidement, que leur propre chemin. La personnalité de Mustaine, écorché vif inapte au compromis et au self-control - voir ses multiples et profondes inimitiés - est aussi ce qui donne à Megadeth ce qui manque tant à d'autres : une véritable colère, ce fameux mean factor. En témoignent les paroles de nombreuses chansons, véritablement haineuses pour peu qu'on s'y attarde. A lire, et à écouter pour la morgue que Dave-Salieri y dispense, le récent Something That I'm Not adressé à Lars-Mozart...

Car sans faire de psychologie de zinc, c'est bien l'extraordinaire ressentiment à l'encontre de Metallica qui servira de carburant à sa vie, et pas seulement carrière - appeler son fils Justice et sa fille Electra ne s'invente pas... L'éviction scabreuse de Dave, c'est la tragédie humaine à l'échelle du metal et, je le crois, ça le tuera un jour que j'espère lointain ! A voir, notamment, le face-à-face entre lui et Lars dans Some Kind of Monster : aussi troublant et pathétique que soit ce moment, il ne suffit pas à rendre compte de vingt-huit années acrimonieuses, revanchardes et destructrices - il faut le supporter, ce poids des « et si... ». Certes Megadeth lui aura apporté femmes, villas et fortune, mais on mesure l'étendue des dégâts lorsque le bougre reconnaît se foutre des disques d'or et n'avoir jamais voulu autre chose que détrôner Metallica, chose qu'il sait être impossible (en terme de succès commercial j'entends). « Have you got an idea what I've been through ? » répète-t-il à l'envi... Steven Adler, ressassant semblable frustration, s'en sortira plus mal encore, infoutu de faire quoi que ce soit à l'exception de marques au creux de ses bras. Dave touche véritablement le fond avec The World Needs A Hero ; sortie peu inspirée d'une « vieille gloire » - ce qu'il était alors. On peut pardonner beaucoup, faute d'attentes, à un Dream Theater (l'ennui profond), Tankard (l'ennui profond et la nullité) ou In Extremo (l'ennui profond, la nullité et le mauvais goût), mais pas à Megadeth... Fort heureusement le monde a depuis repris son cours normal et son ordre naturel s'est rétabli : Dave est de nouveau à la mode tandis que rien n'est plus daté que le neo-metal (sauf le myspace-deathcore... bientôt). Branché ou pas, Dave refait donc parler la poudre - se forçant, au passage, à chanter un peu plus juste à chaque album. Ce qui n'est pas peu dire, considérant un capital de départ proche de celui notre Renaud national !

Mustaine, comme Megadeth, ne laisse donc personne indifférent : on l'aime ou on le déteste, on adule sa musique ou on conchie cette voix de chat écorché, mais c'est bien là la force de cette grande gueule : comme Blackie Lawless, comme Axl Rose, comme James Hetfield, Dave n'est jamais avare en conneries, mais a su marquer de façon indélébile le metal... Une intuition : ce génie un peu cinglé occupera une place dans l'histoire de sa musique que l'on ne soupçonne pas forcément encore aujourd'hui. Dave Mustaine, c'est le connard magnifique, le loser proverbial, l'emmerdeur molinaresque qui s'est toujours vécu comme tel sans voir quel fabuleux héritage il allait laisser à la scène, trop bouffé qu'il est par ses démons... Insupportablement attachant, on lui pardonne à peu près tout, même le mal nécessaire Risk. Sauf, peut-être, les atroces pochettes de United Abominations et Endgame.

Mustaine is one of metal’s accursed poets, a true artist in his own right plagued with a never-resting soul : in a twisted, baudelairian way, the man "souffre de ne pas être assez soi" and his personal Spleen was, is and will forever be Metallica. Simply put, Mustaine is a genius, which isn’t exactly a surprise given his part-French lineage (come on… just kidding). I don’t feel like writing too much about the man here – already done that in French. All I can say is that I’m deeply interested in his ability to use a world-sized frustration as a neverending fuel for Megadeth’s brightest hours. But hey, there’s so much pain encysted in here – can you believe he baptized his children Justice and Electra ! This fact alone is quite frightening isn’t it ? I won’t even bother to mention his teary-eyed appearance in SKOM : now you know what “personal tragedy” means. I’m amused (in the baddest way) when I read shit like on Blabbermouth, about Dave’s so-called newfound peace of mind : the man is an écorché-vif and he perfectly knows where, “après une subtile esquisse, on a enfoncé les vis”. There’s no peace of mind for such an artist, a giant, a master – along with James Hetfield (how strange), Dave is firmly enthroned atop my personal pantheon. Please, Messrs. Hetfield and Mustaine, give war a chance : play together again – not only for a gig, but for an entire knee-bending, jaw-crushing motherfuckin’ killing machine of a record.

...et toujours :
United Abominations : Return to "Anger"

vendredi 18 septembre 2009

Cross The Threshold : brutal et générationnel

Il y a quelques bonnes années, j'étais encore lycéen, prêt à passer, les mains bien au fond des poches, mon bac. Lorsque j'en aurai besoin, un peu plus tard, pour amortir la chute classique de l'étudiant, elles y seraient toujours - on apprend dans la douleur. A cette époque où j'arborais en sport (quand j'y allais... honnie EPS) des Nike Air sur lesquelles j'avais tagué « SLAYER » au marqueur et en caractères runiques, j'étais notamment dingue de Loudblast, que je préférais alors mille fois aux barbares cradingues de Massacra (dont j'appris à aimer la furor teutonicus plus tard). Et je vénérais plus spécialement le mini Cross The Threshold, que je tiens encore aujourd'hui, et de loin, pour la meilleure sortie death metal française que je connaisse. Et encore, parler de death metal me paraît être une limitation mesquine : comme tous les groupes de ce courant formés jusqu'au milieu des années quatre-vingt, Loudblast a commencé par jouer du thrash, a donc toujours travaillé la mélodie, et bénéficie de cette voix particulière, qui finira par tirer sur le hardcore (au secours) quelques années plus tard - avant de tenter un retour au bercail.

L'énergie du désespoir de Malignant Growth, en phase avec ses paroles, le vicelard titre éponyme et son fameux « become an animal again », la puissante mélancolie métallique de No Tears To Share, et cette excellente reprise de Slayer (Mandatory Suicide) justifient à eux seuls l'acquisition de cette pièce-maitresse de l'artillerie lourde française. Est-il seulement besoin de mentionner la pochette de Bolek Budzyn ? Bref, ce mini, c'était un concentré hyper-vitaminé, un « précipité » du précédent album (Sublime Dementia), plus minéral, débarrassé de ses scories, et doté d'un son plein, plus ample - en tout cas bien meilleur que celui obtenu aux incontournables Morrisound Studio pour les deux disques précédents. Un maverick haut de gamme dont la portée fut, malheureusement, très réduite - puisque français. Fût-t-il sorti aux USA, chez Earache, que ce chef-d'œuvre aurait pul-vé-ri-sé la scène death metal mondiale. Tout simplement. Loudblast n'a jamais retrouvé un tel niveau, malmené par ce miroir aux alouettes de la fin des 90's qui verra tant de groupes tenter de piteuses et (in)opportunes percées commerciales par d'autres voies que les leurs propres - merci Korn, merci Slipknot, mais n'est pas Machine Head qui veut. C'est secondaire : un jour, d'une façon ou d'une autre, ce court album sera redécouvert hors de (et dans ?) nos frontières.

Behold, all ye unworthy souls dwelling on the face of the planet without ever having heard the mighty Loudblast. It’s 2009 and every metalhead knows by now that French metal is a special branch in our family tree (yup, I agree it wasn’t always the case). So you’re thinking Gojira, Glorior Belli, Vorkreist, Deathspell Omega, criminally underrated Sup, and whatever the fuck you want, and you’re oh-so right. But French metal was a force to be reckoned with since a way more longer time – Massacra, Agressor, Nomed and Loudblast being the finest (or the grossest) in their domain ranging, depending on the records, from thrash to death to heavy (I mean really heavy) metal. I hereby do solemnly urge you to listen to this state-of-the-art metal piece named Cross The Threshold : this is French death fuckin’ metal at its “beast”, complete with pile-driving crunchy rhythm guitars, orgasmic bitches yearning for more dicks in their asses, and topped off with a great Slayer cover. I highly recommend No Tears To Share, a song summing up everything Loudblast was ever about – gaze at Bolek Budzyn’s strong artwork while listening to it ! Alas, the rage to overcome (and Chuck Schuldiner’s token of appreciation) sometimes isn’t enough to take over the world and Loudblast only rules in France which is, thinking about it, better than to serve in the USA (I’m referring here to their Morrisound period). Now repeat after me : “bleu”, “blanc”, “rouge”.

vendredi 4 septembre 2009

Sous la lune exactement

J'avais quitté Arckanum voici bien longtemps, le dernier album connu de mes sévices étant Kostogher. A la faveur de plusieurs chroniques dithyrambiques, je renoue avec le troll Shamaatae, non sans surprise : ÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞ est un disque terriblement efficace et étonnamment « compact », quand on connait Fran Marder - que je vénère, réécoutez Trulmælder - et Kostogher, deux œuvres quelque peu foutraques (et donc charmantes). Shamaatae me donne l'impression d'avoir « concentré » son art, pour un résultat plus dense et percutant que jamais. Sur l'autel de l'efficacité on a sacrifié cependant un peu de l'atmosphère Nature & Découvertes : plus de bruitages dans la forêt, ni de chouettes et autres hiboux en guest-star (mieux traités chez Arckanum que chez Satyricon), encore moins de violoniste perdue au pied d'un chêne solitaire, mais un bon sang de déluge de vrai black metal, cette bête furieuse et désespérée.

Un black metal, comme toujours, éminemment « nocturne » - les amateurs du musicien me comprendront. Les riffs sont gorgés de feeling, restent cradingues en évitant le côté nécro désormais un peu factice, et savent « thrashouiller » quand il le faut (Shamaatae a découvert le palm muting). Toujours un bon point pour moi, quand ça thrashouille... Autre point en faveur de ÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞ : sa production puissante et massive, lorgnant un peu sur le son tout en contrastes de chaud et de froid à la Necromorbus (on notera d'ailleurs une petite coloration Watain, voire Dissection sur certains passages), et qui finit d'asséner le propos like a fist in the face of... Le masque du troll est tombé : ce qui se cachait derrière est encore plus laid, encore meilleur. Sans hésitation l'album black metal du moment, un gribouillis musical monochrome, craché à la gueule de qui voudra bien l'avaler. J'ouvre grand.

I do love Arckanum’s first works since a long fucking time. In fact, when a teenager, I was especially crazy with Fran Marder, an obscure and obdurate black metal record blessed with a wooden, mysterious atmosphere – fuck, listening to it is like smelling some rotten mushrooms, or eating an old, soaked piece of bark fallen from a gnarly oak. Well, believe it or not, but current release ÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞ is such a motherfuckin’ killer of an album ! Although a bit less atmospheric, ÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞ is a sonic blitzkrieg more sharpened and lethal than ever before – to put it simply, more metal ! Man, Shamaatae even discovered what palm-muting is on that one. Blast it on a boombox on a hot summer afternoon and you’ll see what were Dark Angel meaning with the title of their second album.

ÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞ (Debemur Morti Productions, 2009)

01 Þórhati
02 Þann Svartís
03 Þyrpas Ulfar
04 Þursvitnir
05 Þyrstr
06 Þjóbaugvittr
07 Þjazagaldr
08 Þá Kómu Niflstormum
09 Þrúðkyn
10 Þríandi
11 Þyteitr

Le site et le Myspace d'Arckanum.