Fut un temps pas si lointain où le metalleux extrémiste que j'étais ne jurait plus que par le True Evil Méchant Vilain Black Metal. Bouh. Après avoir franchi tous les paliers en matière de brutalité musicale, voici que la galaxie black metal s'ouvrait à moi. Un choc. Bref, une époque épique qui rime pour moi avec cheveux longs, soirées arrosées dans les bois (!!!), et terrorisme musical par le biais d'une pauvre Aria Pro II qui aurait probablement préféré avoir été recueillie par un gentil bluesman que par un jeune antichrist wannabe. Ouch. Tout ceci est désormais derrière moi et si autrefois je prenais un malin plaisir à aller au lycée vêtu du célèbre T-Shirt Let's Fucking Die d'Impaled Nazarene, aujourd'hui j'imagine à peine aller au travail sans m'être rasé. Mes rangers prennent la poussière, et la couleur a mystérieusement envahie ma garde-robe. Les mentions « no female vocals, no synth, just fuckin' raw black metal », « no effects on vox » (comprendre : la voix n'est pas trafiquée et je beugle vraiment comme un goret) ou encore « no fun, no mosh, no core » érigées en labels de qualité et autres professions de foi musicale gribouillées derrière des jaquettes de démos forcément monochromes me font maintenant sourire avec un peu de tendresse amusée. Et last but not least, j'ai retrouvé l'adresse de mon coiffeur. Alors, fini tout ça ? Eh bien non, pas tout à fait. Ce serait trop simple. Certaines découvertes faites à cette période demeurent toujours, à mon sens, des chefs-d'œuvre impérissables ayant marqué l’avènement de genres musicaux qui ont sonné le glas du « hard à papa ». Et bien que mes œillères soient tombées depuis longtemps (tenez, l'autre jour j'ai bien failli acheter un best of de Michael Jackson), certains albums datant de cette période tournent toujours très régulièrement sur ma platine.
Le fabuleux Opus Nocturne de Marduk par exemple, n'est-il pas une réussite totale, intemporelle ? D'une noirceur EXTRÊME, moins brutal que la suite, peut-être, mais tellement plus méchant et vicieux que n'importe quoi d'autre dans la carrière du groupe ! Opus Nocturne est noir. Inhumain. C'est une ode à la désolation, aux abysses, et des tueries comme Deme Quaden Thyrane, Sulphur Souls ou Materialized in Stone résonnent comme autant d'hymnes proclamant la chute de l'homme et le règne des ténèbres. Mais le meilleur titre de l'album (en fait, le meilleur titre de Marduk) reste ce morceau terrible, Automnal Reaper. Pas besoin de traduction, on a compris... No fun, no mosh, no core ! Ce morceau allie haine crachée à la face du monde, mélodie funèbre et violence extrême, et personnifie le Marduk d'alors comme aucun autre. La prod' n'est pas au rendez-vous, mais on s'en fout. C'est pas la puissance du son qui fait la qualité de la musique, et ça, faudrait le dire à Rammstein par exemple. Automnal Reaper est pour moi l'archétype du morceau black metal nordique des 90's. On pourrait continuer longtemps comme ça, et parler jusqu'à plus soif de tous ces albums fondateurs (donc précurseurs, l'aspect pionnier du black metal ne sera jamais assez commenté) comme Filosofem de Burzum, In the Nightside Eclipse d'Emperor, ou Nachthymnen d'Abigor (bien qu'autrichien). Reste qu'Opus Nocturne est le point d'orgue de la carrière de Marduk, qui bifurqua ensuite vers plus de brutalité au détriment du côté « rampant » de sa musique. Le genre black metal est très souvent parasité par une avalanche de clichés venant des groupes eux-mêmes : on est toujours plus true et evil que le voisin (qui met plus de rimmel pour avoir l'air plus méchant ; ça s'équilibre). Mais Opus Nocturne à l'instar des précités ne fait pas semblant : cet album est haineux, violent, noir, désabusé au point d'en être nihiliste, et recèle, pour qui veut bien l'entendre, ce fond de beauté froide et triste qui caractérise tous les grands disques de cette époque (un feeling très semblable hante le Transylvanian Hunger de Darkthrone).
Aujourd'hui le style a bien changé : les prod' sont énormes, les photos léchées, et les digipacks, luxueux... mais surtout l'esprit n'est plus le même. Non pas qu'il n'y soit plus, mais il a définitivement changé. Le black metal a muté et certaines révolutions du genre peuvent être datées précisément : à titre d'exemple il y a clairement un avant et un après Enthrone Darkness Triumphant, l'album qui a fait exploser commercialement Dimmu Borgir et fait voler en éclat le postulat selon lequel le BM se devait d'être mal produit. Les amateurs de pur raw black metal ont cependant toujours de quoi se décrasser les oreilles, mais le cœur du mouvement a changé de zone géographique : désormais c'est à l'Est que ça se passe, et en particulier dans tous les ex-satellites de l'URSS. Les groupes les plus virulents pour qui « pure fuckin' armageddon » veut encore dire quelque chose sont à chercher de ce côté-ci, et c'est en toute logique s'y l'on y réfléchit... Un contraste intéressant lorsqu'on sait que la première vague BM (ou deuxième, selon les points de vue) était plutôt constituée d'ados issus des classes bourgeoise aisées voire très aisées (il est intéressant de mentionner notamment le milieu socio-professionnel des parents du petit Varg Vikernes), n'ayant rien en commun avec les sociétés laissées exsangues par les anciens régimes politiques de l'Europe de l'Est. Mais pas de politique ici, le seul message c'est celui-ci : rares sont les albums BM de la trempe d'Opus Nocturne. Et comme le disait la célèbre pub Osmose, « extreme artists make extreme music » !
There was a time in my life where I would only listen to the meanest black metal on earth (and beyond). As a true antichrist wannabe, I was occasionally abusing a shitty Aria Pro II, as well as drinking and roasting supermarket meat in the woods (of Belial). That’s all over now and I have broadened my musical landscapes – well, sort of. But hey, some releases harking back to that mythical past are still spinning on my stereo. Isn’t Opus Nocturne, for instance, a formidable and timeless achievement ? Hiding in its depths Marduk’s finest moments (Automnal Reaper, Sulphur Souls, Deme Quaden Thyrane…), this masterpiece is the perfect embodiment for mottos like “no fun, no mosh, no core” or “no fuckin’ synths, just raw black metal”. For those searching for true wintry metal feelings, Opus Nocturne is, along with fuckers like Transylvanian Hunger, Filosofem or Nightside Eclipse, a must-have. Even though nothing is the same today, with huge and often “plastical” productions and over-photoshopped artwork, you can still encounter true raw black metal and I must say that today’s eastern-european scene is a pretty pissed-off one ! So yeah, some of our ancient heroes lost their original spirit, but “pure fuckin’ armageddon” still means something for so many underground acts – and that’s fine by me.