Pour beaucoup, ...And Justice For All n'est qu'une collection foutraque de riffs dont la frénésie n'a d'égale que l'ennui. Pour d'autres, c'est le kouglof de Metallica : aussi indigeste que le célèbre étouffe-chrétien alsacien, ...And Justice For All serait anéanti par sa propre densité - un trou noir au centre de l'ensoleillée Frisco. Et pour les principaux concernés, c'est un album injouable, qui ruina de par sa complexité et sa mise en place métronomique un ou deux concerts de la tournée Damaged Justice et occasionna quelques tendinites au maître incontesté du downpicking - M. Hetfield. Mais pour moi, ...And Justice For All est le sommet créatif de Metallica : une pièce majeure d'extrémité musicale contemporaine, doublée d'un album visionnaire qui contenait déjà, avec parfois quinze ans d'avance, tous les Meshuggah, Coprofago et Necrophagist de la terre - le technodeath moderne et les maîtres de la polyrythmie à la suédoise existeraient-ils dans leurs incarnations actuelles sans un morceau comme The Frayed Ends of Sanity ou les spasmes maladifs et colériques de la chanson-titre ? J'en doute. Et le phrasé guitaristique syncopé d'un Dino Cazares, le latino obsédé, doit certainement quelque chose à l'extrême et tranchante précision d'un Blackened - jusque dans le son quasi blanc, couleur majeure du disque, dès sa puissante illustration de couverture.
Le contexte musical de 1988, c'est-à-dire l'apothéose du hair metal et, bien pire encore, des synthés niaiseux du hard-FM, ne doit pas être oublié : ...And Justice For All réussît à coiffer au poteau des sucreries telles que New Jersey ou Open Up And Say... Aah ! Et pourtant, difficile de moins se compromettre : couler la violence de Venom dans des structures quasi prog et écrire un hit basé sur Johnny Got His Gun à l'heure où des camés péroxydés vendaient des palettes entières sur les roses et leurs épines, c'est largement aussi définitif qu'une déclaration du genre no fun, no mosh, no core. Et pour moi, ça les dédouane pour toujours de ce qu'ils feront plus tard - Metallica est une bête brutale mais intelligente ; c'est bien cette dualité-là qui continue de les perdre parfois. Ne comportant véritablement qu'un seul straight-thrasher (Dyers Eve), ...And Justice For All est certes intimidant de par sa richesse (il y a plus de riffs dans Justice et le monstrueux Eye of the Beholder que dans toute la carrière de Motörhead - mais c'est aussi pour ça qu'on aime Motörhead) ; plus alambiqué qu'une rhétorique soviétique et plus aigu qu'un angle à quinze degrés, mais il continue de botter le cul à neuf albums de metal sur dix, tous styles confondus, qui paraissent aujourd'hui. Enfin, preuve que les grands disques ne révèlent qu'à contrecœur tous leurs petits secrets, je n'ai remarqué que la semaine dernière que la Justice de la pochette (appelez-la Doris) était seins nus. Et pourtant, voici un album que j'écoute depuis dix-sept ans !
Metallica est aujourd'hui un groupe qui a bon dos, concentrant sur lui une quantité astronomique d'attaques (la plus absurde et ridicule étant l'épisode Napster : accuser la bande d'être âpre au gain, c'est oublier qu'elle est déjà multimilliardaire pour les cinq-cents prochaines années) et malheureusement dédaigné par pas mal de nouveaux fans de metal extrême... C'est ainsi, on ne peut pas rééduquer tout le monde (la République Populaire de Chine s'en chargera peut-être un jour), mais, question extrémisme, n'oubliez pas de me prévenir quand The Berzerker ou Xasthur (ou comment le black metal est mort) feront quelque chose d'aussi violent, sombre et artistique que Disposable Heroes ou Battery (pour citer d'autres travaux que ...Justice). Putains d'américains... On aimerait parfois tous les détester mais on ne pourrait pas vivre sans ces quatre-là.
I have had a complex relationship with ...And Justice For All, which is an extremely demanding record - I received it as a Christmas gift when I was 10 and it just took me years (years !) to get into it. Same story goes with Rust In Peace, a commanding and exigent chef-d'œuvre - now, both of them are firmly enthroned in my personal pantheon and I do believe they easily rank among top-five all-time best metal albums. But let's go back to Justice... As a pissed-off, angst-ridden yet mature record, exhaling a mecanic and inexorable rage aimed at the Big Machine, this masterpiece have its spinal cord continuously shaken by desperate spasms - those of a beast who wouldn't die after suffering the loss of one of its main limbs (Cliff Burton). Much and more has been written about its sound, a "love it or loathe it" affair - I choose the former, as I think its sharpened, clinical, almost industrially-cold chugga-crunchiness only serves its purpose too well. I have listen to that towering, utter piece of modern extremism so many times - I still do and I always will do, 'cause hammer of justice still crushes every-fuckin-thing.
...And Justice For All (Vertigo, 1988)
01 Blackened
02 ...And Justice For All
03 Eye of the Beholder
04 One
05 The Shortest Straw
06 Harvester of Sorrow
07 The Frayed End of Sanity
08 To Live Is To Die
09 Dyers Eve
Le site et le Myspace de Metallica.
...et toujours :
Read the Lightning
Vingt ans déjà !
SKOM : un divan pour le monstre
Le contexte musical de 1988, c'est-à-dire l'apothéose du hair metal et, bien pire encore, des synthés niaiseux du hard-FM, ne doit pas être oublié : ...And Justice For All réussît à coiffer au poteau des sucreries telles que New Jersey ou Open Up And Say... Aah ! Et pourtant, difficile de moins se compromettre : couler la violence de Venom dans des structures quasi prog et écrire un hit basé sur Johnny Got His Gun à l'heure où des camés péroxydés vendaient des palettes entières sur les roses et leurs épines, c'est largement aussi définitif qu'une déclaration du genre no fun, no mosh, no core. Et pour moi, ça les dédouane pour toujours de ce qu'ils feront plus tard - Metallica est une bête brutale mais intelligente ; c'est bien cette dualité-là qui continue de les perdre parfois. Ne comportant véritablement qu'un seul straight-thrasher (Dyers Eve), ...And Justice For All est certes intimidant de par sa richesse (il y a plus de riffs dans Justice et le monstrueux Eye of the Beholder que dans toute la carrière de Motörhead - mais c'est aussi pour ça qu'on aime Motörhead) ; plus alambiqué qu'une rhétorique soviétique et plus aigu qu'un angle à quinze degrés, mais il continue de botter le cul à neuf albums de metal sur dix, tous styles confondus, qui paraissent aujourd'hui. Enfin, preuve que les grands disques ne révèlent qu'à contrecœur tous leurs petits secrets, je n'ai remarqué que la semaine dernière que la Justice de la pochette (appelez-la Doris) était seins nus. Et pourtant, voici un album que j'écoute depuis dix-sept ans !
Metallica est aujourd'hui un groupe qui a bon dos, concentrant sur lui une quantité astronomique d'attaques (la plus absurde et ridicule étant l'épisode Napster : accuser la bande d'être âpre au gain, c'est oublier qu'elle est déjà multimilliardaire pour les cinq-cents prochaines années) et malheureusement dédaigné par pas mal de nouveaux fans de metal extrême... C'est ainsi, on ne peut pas rééduquer tout le monde (la République Populaire de Chine s'en chargera peut-être un jour), mais, question extrémisme, n'oubliez pas de me prévenir quand The Berzerker ou Xasthur (ou comment le black metal est mort) feront quelque chose d'aussi violent, sombre et artistique que Disposable Heroes ou Battery (pour citer d'autres travaux que ...Justice). Putains d'américains... On aimerait parfois tous les détester mais on ne pourrait pas vivre sans ces quatre-là.
I have had a complex relationship with ...And Justice For All, which is an extremely demanding record - I received it as a Christmas gift when I was 10 and it just took me years (years !) to get into it. Same story goes with Rust In Peace, a commanding and exigent chef-d'œuvre - now, both of them are firmly enthroned in my personal pantheon and I do believe they easily rank among top-five all-time best metal albums. But let's go back to Justice... As a pissed-off, angst-ridden yet mature record, exhaling a mecanic and inexorable rage aimed at the Big Machine, this masterpiece have its spinal cord continuously shaken by desperate spasms - those of a beast who wouldn't die after suffering the loss of one of its main limbs (Cliff Burton). Much and more has been written about its sound, a "love it or loathe it" affair - I choose the former, as I think its sharpened, clinical, almost industrially-cold chugga-crunchiness only serves its purpose too well. I have listen to that towering, utter piece of modern extremism so many times - I still do and I always will do, 'cause hammer of justice still crushes every-fuckin-thing.
...And Justice For All (Vertigo, 1988)
01 Blackened
02 ...And Justice For All
03 Eye of the Beholder
04 One
05 The Shortest Straw
06 Harvester of Sorrow
07 The Frayed End of Sanity
08 To Live Is To Die
09 Dyers Eve
Le site et le Myspace de Metallica.
...et toujours :
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SKOM : un divan pour le monstre
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