Bon... je sens que cette chronique va m'être pénible. Car j'aurais souhaité écrire autre chose au sujet de Solar Soul, septième album de Samael sans compter ces excellents minis que sont Rebellion et Exodus. Non pas que cet album soit mauvais : il est, dans l'absolu, bon. Mais quelle déception personnelle... Après Reign of Light, énième réincarnation réussie de cet étrange Ouroboros qui ne se mord en principe jamais la queue, j'avais senti venir l'embrouille : le chapitre ouvert avec brio par Passage venait ainsi d'être magistralement clos. Après la trilogie noire (Worship Him, Blood Ritual, Ceremony of Opposites), après un triptyque plus lumineux en apparence (Passage, Eternal, Reign of Light), il fallait ouvrir un autre cycle. Où ? Comment ? Quelles nouvelles directions explorer, après avoir défriché, en vingt ans de carrière, tant le nord et le sud que l'est et l'ouest ? C'est là que le bât blesse : la réinvention n'a pas eu lieu et pour la première fois, enfer et damnation, Samael a succombé à la redite. D'où ma syncope initiale et mon amertume comparable à celle d'un amoureux non pas trahi - Samael ne m'a jamais rien promis -, mais sincèrement déçu.
Samael s'est toujours lu au travers des noms de ses chapitres les plus marquants : après la jeunesse black metal frappée du sceau des pères fondateurs, Ceremony of Opposites annonçait, sans peut-être même en avoir conscience, que le groupe se proposait d'unir dorénavant ses racines sombres et métalliques avec une expérimentation toute suisse, à peine esquissée sur l'album précédent. Puis le mini Rebellion, porté par son nom aux allures de cri de révolte face aux dogmes metal, entérina le caractère unique de Samael, bête désormais organico-synthétique refusant de se voir plus longtemps enfermée dans un underground trop étriqué pour elle. Inutile de commenter longuement le nom du disque suivant : Passage parle de lui-même et parachève la métamorphose du rouge au bleu, tout en renforçant cette impression de mouvement permanent et vital que chante Vorph (cf Jupiterian Vibe). Reign of Light retentit lui aussi comme une bannière, la découverte d'une terre promise longtemps recherchée, l'avènement final d'un groupe passé de l'ombre à la lumière (bien qu'avec du recul, et malgré l'extrême noirceur de Ceremony Of Opposites, je pense qu'Eternal et Reign of Light sont, de façon plus cryptique, les disques les plus sombres de Samael). Arrive aujourd'hui Solar Soul, et nous voilà au cœur du problème. Samael, toujours en mouvement, a cette fois-ci marché en ligne droite autour de son petit monde au point d'en revenir à son départ - révolution qui n'en est pas une - et c'est un choc, de la part de ces précurseurs toujours sur la brèche créative et artistique.
Pas de surprise. Plus de surprises. La rumeur annonçait des guitares déterrées du mix, et c'est vrai qu'elles sont moins en retrait que sur Reign of Light. Mais ce dernier était un chef-d'œuvre, nouvelle étape qui n'avait pas besoin de grosse saturation pour impressionner. On parlait même de l'impensable : une saveur cérémoniale, plus entendue depuis 1994 donc, participerait au goût forcément exquis de Solar Soul. Las ! Reconnaissons tout de même le clin d'œil de Slavocracy (son riff exhumé de Crown, accéléré). J'irai même jusqu'à dire qu'AVE ! ou Alliance, écrasants de majesté altière et parsemés de râles traînants et plombés, pourraient être un Ceremony (la chanson) version 2007. Mais pour le reste, Solar Soul lorgne beaucoup trop sur Passage et son successeur... et c'est décevant. Les mêmes structures passagères et éternelles reviennent continuellement : intro martiale, puissante et percussive, puis licks de guitares chargés de donner son identité à chaque morceau, suivis du sempiternel refrain martelé par l’impeccable scansion virile de Vorph... Les claviers sont loin d'être mauvais, mais l'on souffre de toujours entendre ces mêmes sonorités, reconnaître ces mêmes placements recherchant toujours les mêmes effets... C'est une recette que Samael a porté à son paroxysme en 1996, mais dont le groupe use et abuse désormais au point d'en faire un schéma rebattu. En un mot comme en cent, Solar Soul est trop unidimensionnel (une infamie dans le vocabulaire samaelien), prévisible, convenu. Le vieux fan que je suis (depuis Ceremony of Opposites) l'est justement resté parce que Samael l'a habitué à une redécouverte passionnée à chaque album, ce qui est loin d'être le cas ici. Quel contraste après un très aventureux et réussi Reign of Light qui rompait avec tout ceci ! Plus atmosphérique, enfin décomplexé par rapport à ses ambitions « dansantes », plus grand « scope » tout en restant puissant - là où Eternal avait peut-être failli, délayant sa force dans un mix trop diffus -, Reign... était un délice raffiné, réinventé, nouveau départ malheureusement démenti en 2007 par Solar Soul, ce décevant bon album.
Car oui, c'est un bon disque ! Il contient d'excellentes chansons, dont l'honorable bonus track de la version digipack... mais encore une fois, ça n'est pas suffisant. Dommage, d'autant que Solar Soul est marqué par le retour d'une véritable batterie : ça sonne à mort, et même si la froideur d'un Passage ou le côté galactique d'un Eternal doivent pas mal à la boite à rythmes, il faut avouer que ce regain organique apporte beaucoup à Samael qui commençait à pécher de ce côté-là. Un petit mot sur les paroles : véritable apôtre du self improvement, Vorph a ciselé à nouveau des textes collant à merveille au positivisme barjavélien qui caractérise Samael depuis Passage. Pas besoin d'acheter un bouquin de développement personnel ! Promised Land est à Solar Soul ce que Shining Kingdom est à Passage, et tout le reste est à l'avenant. Je remarque cependant que Solar Soul est moins galvanisant que ses prédécesseurs : pas de trucs aussi trippants qu'un « See how bright, bright you can shine » ici, ni de conseils de jardinage aussi transcendants que ceux préconisés dans Rain. Samael confirme également son statut de citoyen du monde (se souvenir de On Earth) et s'autorise même une allusion directe aux guerres actuelles dans Valkyries' New Ride : on avait rarement connu le groupe aussi terre-à-terre. On The Rise, quant à lui, est un beau texte qui parait, au premier degré, comparable aux thèmes habituels de Samael, mais je l'ai vu à tort ou à raison comme une parabole du chemin parcouru depuis l'époque Into the Infernal Storm of Evil. Soit quelques années-lumière !
Étonnez-vous qu'après une carrière marquée par un Ceremony of Opposites, un Passage ou un Reign of Light on devienne exigeant ! Qui aime bien châtie bien, et je reste inconditionnel de Samael. Un groupe que j'aime et que je continuerai à suivre au plus près en espérant, la prochaine fois, un produit moins tiède : on n'est jamais bien le cul entre deux chaises. Solar Soul est un bon album-somme, mais trébuche franchement en tant que successeur de Reign of Light.
Fuck, I’m devastated. You know what ? Solar Soul is a good album. But a good album is not enough in a Samaelian context. I saw it coming, I swear it. I mean, how could Samael maintain ad vitam aeternam such a high-quality level as featured in Ceremony of Opposites (one of my all-time classics), Passage, Eternal (despite its way-too-“large” sound) and Reign of Light ? In a predictable way, Solar Soul fuses electro with martial, cold, declamatory metal but the surprise factor is long gone and that’s a shame. Ok, there’re more guitars in there than in Reign of Light, and I‘ll even go as far as saying that Solar Soul nods clearly, at times, to the oldschool Samael of yore. Problem is that Samael can’t stand the “been here, done that” thing – it just didn’t feel right, it just didn’t fit them. Samael is a march, Samael is an endeavour, Samael is a matter of going forwards and not backwards. So Solar Soul is a harsh disappointment in terms of creativeness ! A somewhat good album, hiding truly good moments (Slavocracy, Promised Land…), but unworthy of the Samael usual seal of quality.
Solar Soul (Nuclear Blast, 2007)
01 Solar Soul
02 Promised Land
03 Slavocracy
04 Western Ground
05 On The Rise
06 Alliance
07 Suspended Time
08 Valkyries' New Ride
09 Ave !
10 Quasar Waves
11 Architect (bonus track)
12 Olympus
Le Myspace de Samael.
...et toujours :
Scream for me John Lennon !
Le mouvement perpétuel