Enfin lue, cette bio du Frost écrite par Fischer himself (on n'est jamais si bien servi que par soi-même, mais nous y reviendrons) ! Avis aux fans : malgré un impensable melon par moments, ce bon vieux Tom n'y va pas par quatre chemins et commence par démolir, sur une cinquantaine de pages, le mythe Hellhammer. Il est ainsi assez drôle de lire ces lignes pleines de recul sur ce groupe de gamins formé par le vilain petit canard de l'école, qui allait devenir vingt ans plus tard, et malgré deux petites années de vie, l'une des références absolues de la scène extrême - au moins européenne et sud-américaine. Bref, selon les propres termes de Fischer (et l'on pensera immanquablement à Quorthon qui jugeait tout aussi sévèrement les premiers Bathory), Hellhammer n'était qu'un petit groupe merdique tellement étriqué dans ses aspirations et limité dans ses possibilités que lui et Ain eurent tôt fait de le dissoudre - pour le ressusciter sous le nom de Celtic Frost la nuit suivante. Un combo appelé à ne respecter aucun des standards de l'époque, ni dans le fond, ni dans la forme, et dont on regrettera que le choix du superbe patronyme ne soit pas plus explicité.
L'histoire du Frost, racontée avec humour et style (cf la jolie description d'un morne Berlin-Est, traversé nuitamment pour se rendre en studio), se taille donc la part du lion comme l'indique le sous-titre du livre. Très vite, le lecteur éberlué comprend à quel point ce groupe a été massacré, tué, gâché par l'incompétence à peine croyable d'une maison de disques (Noise Records) pourtant révérée par bien des metalheads - et en premier lieu par votre serviteur... Entre les tournées fauchées interrompues subito presto, le refus de financer le clip qui aurait pu changer le cours des choses pour nos frustrés frosties (Mexican Radio), la totale incompréhension de ce que tentait de faire le groupe au moment de l'enregistrement de Into The Pandemonium, j'en passe et des meilleures, on n'en revient tout simplement pas. Celtic Frost, pendant près de vingt ans, n'aura été qu'un saumon exténué - passez-moi l'image, mais quand on s'appelle Fis(c)her - qui s'est épuisé à nager à contre-courant. En aval, notre petit poisson qui deviendra gros malgré tout ; en amont, l'ahurissante politique menée par Noise. On n'ose imaginer, à la lecture de l'excellent chapitre consacré à l'élaboration de Into The Pandemonium, ce qu'aurait été cet album sans ce frein constant... Avec cette connaissance nouvelle, je m'explique enfin, par exemple, ce son que j'ai toujours haï, et je sais désormais que le Frost ne l'aime pas plus que moi. Bien sûr ce disque reste un monument, mais enfin, après ce passage modestement intitulé The making of a breakthrough album, on a vraiment l'impression de ne connaître que l'ombre de ce qui aurait du être (*). Et pourtant, c'est bien ce feeling art-rock et aventurier, méprisé par Noise Records, qui aura constamment tiré Celtic Frost vers le haut - ou comment concilier l'intellectualisme le plus littéraire avec le cri primal du metal dit « extrême ».
Malgré sa grosse tête (difficile de ne pas être amusé / agacé par la mégalomanie de Tom, cependant que l'on ne peut que lui reconnaître un véritable génie avant-gardiste), l'auteur accroche son public et excelle dans la galerie de portraits qui gravite autour du Frost : les obsédés sexuels de Coroner (le crew du Frost en tournée), les ingénieurs du son tchécoslovaques plus « stupid » que « morbid », les groupies prêtes à tout pour cinq minutes en compagnie du beau gosse Reed St. Mark, les chanteuses de session nymphomanes prêtes à tout pour cinq minutes en compagnie du beau gosse Reed St. Mark (si vous avez une impression de répétition, c'est normal), etc. Sur ce point essentiel au cahier des charges de toute bio rock qui se respecte, l'objectif est largement atteint et l'on passe franchement un bon moment. Plus intéressant est le regard sans concession, souvent mi-figue mi-raisin, que pose Tom sur sa petite troupe : on rit fréquemment aux passages consacrés à St. Mark, jovial M. Catastrophe qui aura apporté au Frost autant de peps que d'emmerdes, on est particulièrement intrigué par le personnage érudit et tourmenté de Martin Eric Ain, et on se dit que les pauvres Ron Marks et Curt Victor Bryant sont un peu injustement oubliés aujourd'hui. Tom G. Fischer, en bon Warrior qu'il est, sait aussi se montrer intransigeant envers lui-même lorsqu'il le faut. A ce titre, les pages consacrées à Cold Lake (« une merde monumentale ») sont particulièrement masochistes. Putain, mais comment le Frost a-t-il cru pouvoir vendre un seul instant à ses fans un album presque glam ? Le voile est levé sur cette affaire que Fischer n'a pas cherché à escamoter - et pourtant, que ce disque est embarrassant...
L'odyssée de Celtic Frost, gros poisson dans un petit étang - soyons réalistes - est ainsi racontée sans fard et nous laisse à entrevoir les dessous d'une histoire qui perd en « culte » ce qu'elle reprend à la vérité... J'aurai du mal désormais à me représenter le Frost comme avant, tant Fischer balaie cette poussière cryptique et cette aura obscure au profit d'une réalité beaucoup plus terre-à-terre - saviez vous que Martin Eric Ain ne pouvait quitter une ville après un concert sans avoir goûté au kebab local, jusqu'au jour où cette pénible manie lui valut d'être abandonné sur un parking par le tour bus ? Ces petites histoires qui font la grande n'enlèvent rien aux hommes derrière le monstre, et si l'on ne peut que fantasmer sur l'avorté Under Apollyon's Sun (cet album était un potentiel monument, cf Idols of Chagrin et Under Apollyon's Sun disponibles sur la compilation testamentaire Parched With Thirst I Am... And Dying), je me dis cependant que si ce sont toutes ces couleuvres avalées, tous ces changements dramatiques de line-up, toutes ces galères de vingt ans qui sont ressorties dans cette catharsis vénéneuse qu'est Monotheist, eh bien oui, tout ceci en valait la peine. Le pot de terre contre le pot de fer ? C'est toute l'histoire du Frost. Laer Si Htaed Ylno !
(*) Tristesses de la Lune, lecture passionnée et habitée du poème de Baudelaire, sera ainsi jugée trop « spéciale » et retirée abusivement de l'album original... Il faudra attendre sa récente réédition pour voir enfin inclus dans le tracklisting ce morceau de bravoure... Pour info, la performance sur ce morceau est signée Manü Moan, par ailleurs chanteuse des étranges Vyllies.
Come on, there’s not only metal music in life. There’s also metal literature. Just finished reading Are You Morbid ?, the undying beast’s bio written by Tom G. Warrior. After destroying the mythic Hellhammer (a not-so-surprising move – the man have tried to stray from its legacy for many years), things become serious with the Frost’s birth. I have to say that despite his sometimes heavy and inflated style, and an ounce of megalomania (but hey, fuck it, the man is a total artist after all), Tom’s account of these events are witty, interesting and as dark and depressive as they can be funny if not hilarious at times. You will know everything ; from Noise’s incredibly stupid way of "handling" things to Reed St. Mark’s fetishist antics (you have to see that picture with all these high heels hanged all over his drum set !). Maybe the most interesting parts of it are the chapters dealing with Into The Pandemonium, an overbloated but visionary record those inception crystallised many of the Frost’s underlying issues. I have to warn you though : reading this will sweep forever some of that cryptic dust covering this monumental beast that is Celtic Frost – learning its secrets is losing some of its mysteries…
Le site et le Myspace de Celtic Frost.
Le site et le Myspace de Hellhammer.
Le Myspace des Vyllies, parce qu'elles le valent bien !Le blog de Tom G. Fischer.
...et toujours :
« Toi qui entre ici, abandonne toute espérance... »
L'histoire du Frost, racontée avec humour et style (cf la jolie description d'un morne Berlin-Est, traversé nuitamment pour se rendre en studio), se taille donc la part du lion comme l'indique le sous-titre du livre. Très vite, le lecteur éberlué comprend à quel point ce groupe a été massacré, tué, gâché par l'incompétence à peine croyable d'une maison de disques (Noise Records) pourtant révérée par bien des metalheads - et en premier lieu par votre serviteur... Entre les tournées fauchées interrompues subito presto, le refus de financer le clip qui aurait pu changer le cours des choses pour nos frustrés frosties (Mexican Radio), la totale incompréhension de ce que tentait de faire le groupe au moment de l'enregistrement de Into The Pandemonium, j'en passe et des meilleures, on n'en revient tout simplement pas. Celtic Frost, pendant près de vingt ans, n'aura été qu'un saumon exténué - passez-moi l'image, mais quand on s'appelle Fis(c)her - qui s'est épuisé à nager à contre-courant. En aval, notre petit poisson qui deviendra gros malgré tout ; en amont, l'ahurissante politique menée par Noise. On n'ose imaginer, à la lecture de l'excellent chapitre consacré à l'élaboration de Into The Pandemonium, ce qu'aurait été cet album sans ce frein constant... Avec cette connaissance nouvelle, je m'explique enfin, par exemple, ce son que j'ai toujours haï, et je sais désormais que le Frost ne l'aime pas plus que moi. Bien sûr ce disque reste un monument, mais enfin, après ce passage modestement intitulé The making of a breakthrough album, on a vraiment l'impression de ne connaître que l'ombre de ce qui aurait du être (*). Et pourtant, c'est bien ce feeling art-rock et aventurier, méprisé par Noise Records, qui aura constamment tiré Celtic Frost vers le haut - ou comment concilier l'intellectualisme le plus littéraire avec le cri primal du metal dit « extrême ».
Malgré sa grosse tête (difficile de ne pas être amusé / agacé par la mégalomanie de Tom, cependant que l'on ne peut que lui reconnaître un véritable génie avant-gardiste), l'auteur accroche son public et excelle dans la galerie de portraits qui gravite autour du Frost : les obsédés sexuels de Coroner (le crew du Frost en tournée), les ingénieurs du son tchécoslovaques plus « stupid » que « morbid », les groupies prêtes à tout pour cinq minutes en compagnie du beau gosse Reed St. Mark, les chanteuses de session nymphomanes prêtes à tout pour cinq minutes en compagnie du beau gosse Reed St. Mark (si vous avez une impression de répétition, c'est normal), etc. Sur ce point essentiel au cahier des charges de toute bio rock qui se respecte, l'objectif est largement atteint et l'on passe franchement un bon moment. Plus intéressant est le regard sans concession, souvent mi-figue mi-raisin, que pose Tom sur sa petite troupe : on rit fréquemment aux passages consacrés à St. Mark, jovial M. Catastrophe qui aura apporté au Frost autant de peps que d'emmerdes, on est particulièrement intrigué par le personnage érudit et tourmenté de Martin Eric Ain, et on se dit que les pauvres Ron Marks et Curt Victor Bryant sont un peu injustement oubliés aujourd'hui. Tom G. Fischer, en bon Warrior qu'il est, sait aussi se montrer intransigeant envers lui-même lorsqu'il le faut. A ce titre, les pages consacrées à Cold Lake (« une merde monumentale ») sont particulièrement masochistes. Putain, mais comment le Frost a-t-il cru pouvoir vendre un seul instant à ses fans un album presque glam ? Le voile est levé sur cette affaire que Fischer n'a pas cherché à escamoter - et pourtant, que ce disque est embarrassant...
L'odyssée de Celtic Frost, gros poisson dans un petit étang - soyons réalistes - est ainsi racontée sans fard et nous laisse à entrevoir les dessous d'une histoire qui perd en « culte » ce qu'elle reprend à la vérité... J'aurai du mal désormais à me représenter le Frost comme avant, tant Fischer balaie cette poussière cryptique et cette aura obscure au profit d'une réalité beaucoup plus terre-à-terre - saviez vous que Martin Eric Ain ne pouvait quitter une ville après un concert sans avoir goûté au kebab local, jusqu'au jour où cette pénible manie lui valut d'être abandonné sur un parking par le tour bus ? Ces petites histoires qui font la grande n'enlèvent rien aux hommes derrière le monstre, et si l'on ne peut que fantasmer sur l'avorté Under Apollyon's Sun (cet album était un potentiel monument, cf Idols of Chagrin et Under Apollyon's Sun disponibles sur la compilation testamentaire Parched With Thirst I Am... And Dying), je me dis cependant que si ce sont toutes ces couleuvres avalées, tous ces changements dramatiques de line-up, toutes ces galères de vingt ans qui sont ressorties dans cette catharsis vénéneuse qu'est Monotheist, eh bien oui, tout ceci en valait la peine. Le pot de terre contre le pot de fer ? C'est toute l'histoire du Frost. Laer Si Htaed Ylno !
(*) Tristesses de la Lune, lecture passionnée et habitée du poème de Baudelaire, sera ainsi jugée trop « spéciale » et retirée abusivement de l'album original... Il faudra attendre sa récente réédition pour voir enfin inclus dans le tracklisting ce morceau de bravoure... Pour info, la performance sur ce morceau est signée Manü Moan, par ailleurs chanteuse des étranges Vyllies.
Come on, there’s not only metal music in life. There’s also metal literature. Just finished reading Are You Morbid ?, the undying beast’s bio written by Tom G. Warrior. After destroying the mythic Hellhammer (a not-so-surprising move – the man have tried to stray from its legacy for many years), things become serious with the Frost’s birth. I have to say that despite his sometimes heavy and inflated style, and an ounce of megalomania (but hey, fuck it, the man is a total artist after all), Tom’s account of these events are witty, interesting and as dark and depressive as they can be funny if not hilarious at times. You will know everything ; from Noise’s incredibly stupid way of "handling" things to Reed St. Mark’s fetishist antics (you have to see that picture with all these high heels hanged all over his drum set !). Maybe the most interesting parts of it are the chapters dealing with Into The Pandemonium, an overbloated but visionary record those inception crystallised many of the Frost’s underlying issues. I have to warn you though : reading this will sweep forever some of that cryptic dust covering this monumental beast that is Celtic Frost – learning its secrets is losing some of its mysteries…
Le site et le Myspace de Celtic Frost.
Le site et le Myspace de Hellhammer.
Le Myspace des Vyllies, parce qu'elles le valent bien !Le blog de Tom G. Fischer.
...et toujours :
« Toi qui entre ici, abandonne toute espérance... »
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