Il arrive parfois qu'entre mon code pénal et le dernier numéro de Terrorizer, se soit glissé un vrai livre. Un beau, un grand, avec plein d'images déjà coloriées et un peu de texte à lire. Metallica : Mots Pour Mots correspond en tous points à ces critères, quant à savoir s'il satisfait le principal - un nouveau bouquin sur Metalloche est-il réellement intéressant ? - on le saura à la fin de cette petite revue de presse. S'attachant principalement à commenter les textes hetfieldiens, l'objet s'ouvre sur une exergue frappée au coin du bon sens de Lars : « ce qu'il y a de plus génial dans les paroles de James, c'est que même avec le texte sous les yeux, il reste pleins de possibilités ».
Malheureusement, on se rend vite compte que la foultitude de portes ouvertes - toujours beaucoup de vent, derrière une porte ouverte - et le parti pris dithyrambique forcené (je suis mal placé, c'est donc dire !) ont vite raison du fond : ne cherchons pas d'analyse d'aucune sorte ici, et c'est dommage. Tout n'est pas noir cependant dans cette compilation de points de vue et de regards tant internes qu'extérieurs au groupe, mais commençons donc par ce qui fâche... Outre une interprétation ultra scolaire des paroles de James, dépourvue de toute finesse (au sujet de The Frayed Ends of Sanity : « les personnages à l'état mental extrême sont un sujet de choix pour Hetfield parce qu'ils correspondent à la réalité extrême de sa musique. La voix déformée ajoute encore à l'impression de démence »), on reste parfois stupéfait par l'amateurisme journalistique (seul commentaire de ce monument du heavy metal qu'est Orion : « c'est un bon instrumental, avec une ligne de basse toute bizarre au milieu »), voire atterré par l'inanité de la réflexion. Ainsi Enter Sandman, comptine ingénue-géniale symbolisant l'angoisse d'un James se voyant arrivé à l'âge de raison (mon interprétation), voit ses chouettes paroles réduites à la portion congrue : « elles n'auraient pas été déplacées dans Phantom Lord ou No Remorse ». Aïe... Ça fait mal pour le fan qui espérait autre chose : Hetfield est aussi un grand parolier et son travail aurait mérité mieux qu'une analyse lycéenne, convenue et battue en brèche par - c'est dire - n'importe quel hors-série Metallica qui pullulait en kiosque après la sortie du black album. Dommage, car l'essentiel du rédactionnel est justement constitué d'un passage en revue chronologique des morceaux de chaque album... Une méthodologie aussi plate qu'un quartier de Bagdad après un attentat, pour un résultat à l'avenant et donc décevant.
On distribuera tout de même quelques bons points : malgré la traduction infâme handicapant sérieusement la lecture, le court texte commentant l'excellent Through the Never rappelle intelligemment les changements de point de vue narratif adoptés successivement par Hetfield au fil des albums. Pour une fois pointu, le commentaire met aussi l'accent sur la beauté textuelle désacralisée dudit morceau : « notre planète, troisième caillou en partant du soleil... ». Dommage que Through the Never soit honteusement traduit par Dans le Jamais : pincez-moi je rêve, n'importe quel primo-étudiant en anglais aurait suggéré au minimum Au Travers du Néant, ou A Travers le Vide ! Dans le Jamais ? Jamais plus jamais ! Cependant ne soyons pas mesquin : ce bouquin a des qualités, et elles sont même particulièrement visibles puisqu'il est question ici de son iconographie qui représente largement plus de la moitié de l'objet. Les photos superbes, couleurs ou noir et blanc, documentent abondamment Metallica de l'époque No Life ‘till Leather à celle de St Anger. Alors des tonnes de tofs, c'est bien... mais des tofs plus que rares, c'est mieux : lisant à peu près tout ce qui concerne Metallica de près ou de loin depuis 1992, ayant lâché une thune dont je ne veux pas connaître le montant dans ces satanés hors-séries mentionnés plus haut, j'ai été étonné par le nombre de clichés qui m'étaient inconnus ! On retiendra donc, en vrac, que : putain, ce chien fou de Mustaine était impressionnant de flamboyance ; Burton avait beau passer son temps torse poil et en pattes d'eph', on l'aurait bien vu illustrer « la force tranquille » de Tonton en 1981 ; James n'a jamais été plus charismatique qu'à son époque viking du début des 90's (son esprit possède d'ailleurs fréquemment Johan Hegg d'Amon Amarth) ; quant à Lars, c'est clair : malgré un capital de départ plutôt faible, le moins que l'on puisse dire est que le passage des années le bonifie.
Pour en revenir au contenu écrit, quelques idées intéressantes se font parfois jour : la parenté évidente entre Creeping Death et Of Wolf & Man (la mise en musique d'une traque nocturne et silencieuse - celle du loup qui cherche l'homme, celle de l'assassin mandaté pour tuer le fils de Pharaon) ; la complexité d'un Hetfield en mutation perpétuelle, qui attend son cinquième album pour se persuader qu'écrire sur lui pouvait aussi être intéressant... Au rayon des évidences oubliées mais pourtant énormes, le bouquin rappelle que malgré l'hallali déclenché par Nothing Else Matters, le groupe n'aura finalement jamais écrit « sa » ballade sirupeuse, pourtant passage obligé de tous à l'époque - Nothing Else Matters ne parlant pas d'amour contrarié mais simplement de la solitude d'un homme découvrant le prix de la liberté. Intéressant également, le chapitre traitant de ...And Justice For All : ce skeud adulé - au moins par moi - ne trouvera décidément jamais grâce aux yeux du groupe... Un passage qui permet de mesurer l'immense puissance commerciale de Metallica avant même l'album noir : malgré un son jugé d'emblée atroce et indigne d'être présenté au public, la maison de disque ne sourcilla pas : « on fabrique, on distribue : c'est estampillé Metallica, quel que soit le son on sera multiplatine dans quelques jours ». Quelques fulgurances s'imposent aussi avec humour, notamment quant à analyser les grandes différences d'écritures entre Metallica, Slayer et Anthrax. L'exemple de Ride the Lightning est bidonnant : si Metallica adopte le point de vue humain en faisant parler un condamné à mort avant son exécution, Anthrax se serait à coup sûr attelé à ciseler un texte social-contestataire aux échos gauchistes (Metallica y viendra presque avec son quatrième opus, et encore). Tandis que Slayer, ben... Slayer se serait fendu, au plus, d'un laconique « grille, connard ! ». Un peu caricatural malgré tout : Slayer n'est pas si monolithique et sa finesse instrumentale et parfois textuelle (Dead Skin Mask) échappe à beaucoup. Mais l'exemple fait sens, comme disent les anglo-saxons, et j'ai ri - c'est bien là le principal !
Un livre qui finalement n'a que peu d'intérêt pour l'amateur occasionnel, mais qui peut revêtir une certaine valeur aux yeux des metallibashers acharnés... ! Encore une fois, j'insiste sur son principal attrait qui est son impressionnante documentation photographique. De quoi passer un bon moment si l'on accepte de passer sur l'indigence de la traduction, ça m'a personnellement fait ressortir mes vieilles cassettes (et notamment réécouter Kill 'em All) et donné l'occasion d'écrire un article qui aura su (j'espère) vous intéresser, chers lecteurs ! On conclura en laissant la parole au principal intéressé :
To begin with, I’m tired of books about Metallica. “Metallica - Nothing Else Matters : The Stories Behind the Biggest Songs” is a new one and is mainly commenting the band’s songs, a risky exercise… The main problem here is that you won’t really learn anything. Hetfield’s lyrics are not the most cryptic ones to decipher, aren’t they ? I don’t need nobody to tell me that James “loves to bring up subjects like mental sickness because it fits metal oh so well”. Fuck, really ? Best is yet to come, as Orion, which is nothing less than a musical monument, is only granted this comment : “a good instrumental with a weird bassline in the middle”. What the fuckin’ fuck ?!? Orion is the milk and honey of humanity !!! Well, to be honest, all is not that bad, and it’s obvious this book has been absolutely slaughtered by a freakish translation. In fact, the movie Lost In Translation could be about it ! There’s a point though where this book is badass : its iconography. Lots (I mean lots) of never-seen-before pics, which was kind of a vexing surprise for a metallibasher such as myself. To sum it up in one word : may be of interest in its original version, to be avoided in its French translation.
Metallica : Mots pour mots de Chris Ingham & Tommy Udo (auteurs) et Cédric Perdereau (« translatage » ). Flammarion, octobre 2004. Titre original : Metallica - Nothing Else Matters : The Stories Behind the Biggest Songs.
...et toujours :
Vingt ans déjà !
SKOM : un divan pour le monstre
Malheureusement, on se rend vite compte que la foultitude de portes ouvertes - toujours beaucoup de vent, derrière une porte ouverte - et le parti pris dithyrambique forcené (je suis mal placé, c'est donc dire !) ont vite raison du fond : ne cherchons pas d'analyse d'aucune sorte ici, et c'est dommage. Tout n'est pas noir cependant dans cette compilation de points de vue et de regards tant internes qu'extérieurs au groupe, mais commençons donc par ce qui fâche... Outre une interprétation ultra scolaire des paroles de James, dépourvue de toute finesse (au sujet de The Frayed Ends of Sanity : « les personnages à l'état mental extrême sont un sujet de choix pour Hetfield parce qu'ils correspondent à la réalité extrême de sa musique. La voix déformée ajoute encore à l'impression de démence »), on reste parfois stupéfait par l'amateurisme journalistique (seul commentaire de ce monument du heavy metal qu'est Orion : « c'est un bon instrumental, avec une ligne de basse toute bizarre au milieu »), voire atterré par l'inanité de la réflexion. Ainsi Enter Sandman, comptine ingénue-géniale symbolisant l'angoisse d'un James se voyant arrivé à l'âge de raison (mon interprétation), voit ses chouettes paroles réduites à la portion congrue : « elles n'auraient pas été déplacées dans Phantom Lord ou No Remorse ». Aïe... Ça fait mal pour le fan qui espérait autre chose : Hetfield est aussi un grand parolier et son travail aurait mérité mieux qu'une analyse lycéenne, convenue et battue en brèche par - c'est dire - n'importe quel hors-série Metallica qui pullulait en kiosque après la sortie du black album. Dommage, car l'essentiel du rédactionnel est justement constitué d'un passage en revue chronologique des morceaux de chaque album... Une méthodologie aussi plate qu'un quartier de Bagdad après un attentat, pour un résultat à l'avenant et donc décevant.
On distribuera tout de même quelques bons points : malgré la traduction infâme handicapant sérieusement la lecture, le court texte commentant l'excellent Through the Never rappelle intelligemment les changements de point de vue narratif adoptés successivement par Hetfield au fil des albums. Pour une fois pointu, le commentaire met aussi l'accent sur la beauté textuelle désacralisée dudit morceau : « notre planète, troisième caillou en partant du soleil... ». Dommage que Through the Never soit honteusement traduit par Dans le Jamais : pincez-moi je rêve, n'importe quel primo-étudiant en anglais aurait suggéré au minimum Au Travers du Néant, ou A Travers le Vide ! Dans le Jamais ? Jamais plus jamais ! Cependant ne soyons pas mesquin : ce bouquin a des qualités, et elles sont même particulièrement visibles puisqu'il est question ici de son iconographie qui représente largement plus de la moitié de l'objet. Les photos superbes, couleurs ou noir et blanc, documentent abondamment Metallica de l'époque No Life ‘till Leather à celle de St Anger. Alors des tonnes de tofs, c'est bien... mais des tofs plus que rares, c'est mieux : lisant à peu près tout ce qui concerne Metallica de près ou de loin depuis 1992, ayant lâché une thune dont je ne veux pas connaître le montant dans ces satanés hors-séries mentionnés plus haut, j'ai été étonné par le nombre de clichés qui m'étaient inconnus ! On retiendra donc, en vrac, que : putain, ce chien fou de Mustaine était impressionnant de flamboyance ; Burton avait beau passer son temps torse poil et en pattes d'eph', on l'aurait bien vu illustrer « la force tranquille » de Tonton en 1981 ; James n'a jamais été plus charismatique qu'à son époque viking du début des 90's (son esprit possède d'ailleurs fréquemment Johan Hegg d'Amon Amarth) ; quant à Lars, c'est clair : malgré un capital de départ plutôt faible, le moins que l'on puisse dire est que le passage des années le bonifie.
Pour en revenir au contenu écrit, quelques idées intéressantes se font parfois jour : la parenté évidente entre Creeping Death et Of Wolf & Man (la mise en musique d'une traque nocturne et silencieuse - celle du loup qui cherche l'homme, celle de l'assassin mandaté pour tuer le fils de Pharaon) ; la complexité d'un Hetfield en mutation perpétuelle, qui attend son cinquième album pour se persuader qu'écrire sur lui pouvait aussi être intéressant... Au rayon des évidences oubliées mais pourtant énormes, le bouquin rappelle que malgré l'hallali déclenché par Nothing Else Matters, le groupe n'aura finalement jamais écrit « sa » ballade sirupeuse, pourtant passage obligé de tous à l'époque - Nothing Else Matters ne parlant pas d'amour contrarié mais simplement de la solitude d'un homme découvrant le prix de la liberté. Intéressant également, le chapitre traitant de ...And Justice For All : ce skeud adulé - au moins par moi - ne trouvera décidément jamais grâce aux yeux du groupe... Un passage qui permet de mesurer l'immense puissance commerciale de Metallica avant même l'album noir : malgré un son jugé d'emblée atroce et indigne d'être présenté au public, la maison de disque ne sourcilla pas : « on fabrique, on distribue : c'est estampillé Metallica, quel que soit le son on sera multiplatine dans quelques jours ». Quelques fulgurances s'imposent aussi avec humour, notamment quant à analyser les grandes différences d'écritures entre Metallica, Slayer et Anthrax. L'exemple de Ride the Lightning est bidonnant : si Metallica adopte le point de vue humain en faisant parler un condamné à mort avant son exécution, Anthrax se serait à coup sûr attelé à ciseler un texte social-contestataire aux échos gauchistes (Metallica y viendra presque avec son quatrième opus, et encore). Tandis que Slayer, ben... Slayer se serait fendu, au plus, d'un laconique « grille, connard ! ». Un peu caricatural malgré tout : Slayer n'est pas si monolithique et sa finesse instrumentale et parfois textuelle (Dead Skin Mask) échappe à beaucoup. Mais l'exemple fait sens, comme disent les anglo-saxons, et j'ai ri - c'est bien là le principal !
Un livre qui finalement n'a que peu d'intérêt pour l'amateur occasionnel, mais qui peut revêtir une certaine valeur aux yeux des metallibashers acharnés... ! Encore une fois, j'insiste sur son principal attrait qui est son impressionnante documentation photographique. De quoi passer un bon moment si l'on accepte de passer sur l'indigence de la traduction, ça m'a personnellement fait ressortir mes vieilles cassettes (et notamment réécouter Kill 'em All) et donné l'occasion d'écrire un article qui aura su (j'espère) vous intéresser, chers lecteurs ! On conclura en laissant la parole au principal intéressé :
To begin with, I’m tired of books about Metallica. “Metallica - Nothing Else Matters : The Stories Behind the Biggest Songs” is a new one and is mainly commenting the band’s songs, a risky exercise… The main problem here is that you won’t really learn anything. Hetfield’s lyrics are not the most cryptic ones to decipher, aren’t they ? I don’t need nobody to tell me that James “loves to bring up subjects like mental sickness because it fits metal oh so well”. Fuck, really ? Best is yet to come, as Orion, which is nothing less than a musical monument, is only granted this comment : “a good instrumental with a weird bassline in the middle”. What the fuckin’ fuck ?!? Orion is the milk and honey of humanity !!! Well, to be honest, all is not that bad, and it’s obvious this book has been absolutely slaughtered by a freakish translation. In fact, the movie Lost In Translation could be about it ! There’s a point though where this book is badass : its iconography. Lots (I mean lots) of never-seen-before pics, which was kind of a vexing surprise for a metallibasher such as myself. To sum it up in one word : may be of interest in its original version, to be avoided in its French translation.
Metallica : Mots pour mots de Chris Ingham & Tommy Udo (auteurs) et Cédric Perdereau (« translatage » ). Flammarion, octobre 2004. Titre original : Metallica - Nothing Else Matters : The Stories Behind the Biggest Songs.
...et toujours :
Vingt ans déjà !
SKOM : un divan pour le monstre